« Oui », comment consentir ? 

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Me trouvant à Paris ce lundi 22, au moment où Macron faisait son grand discours onusien de reconnaissance par la France de l’état palestinien, discours qui coïncidait avec la fête du nouvel an juif, je me suis rendu au MK2 Saint-Michel pour y visionner Oui, le film du très controversé Israëlien Nadav Lapid.

Il n’y avait pas foule dans la salle, le film (sorti cette semaine) ne semble pas promis à une grande carrière. Que faut-il souhaiter aux citoyens d’Israël le jour de leur fête, et de ce discours, un état palestinien à leurs frontières ? Ou d’autres films comme ce pamphlet qu’on trouvera provocateur, choquant ou déplaisant de Lapid ?

L’intrigue, s’il est possible de raconter un film construit à coups d’ellipses, de coups de poings sonores et visuels, et dont le montage voudrait d’abord suggérer le chaos, décrit les relations tumultueuses d’un pianiste prénommé Y. avec sa femme Yasmine, auquel le gouvernement propose de mettre en musique un nouvel hymne national dont il reçoit les paroles, outrancières, pleines d’un esprit de vengeance qui affuble de croix gammées les ennemis (arabes) de la patrie. Y. (ce « prénom » d’un homme lui-même tronqué figurant peut-être l’abréviation de Yes ?) se plie non sans réticencesr à la proposition, et une scène particulièrement outrancière le présente léchant longuement, copieusement de sa langue les bottes de son commanditaire. D’autres scènes, moins frénétiques, montrent Y. au bord de la mer (qui joue un rôle récurrent dans ce film), tentant d’ajuster les paroles de l’hymne à venir à une sublime musique de Bach ; ou bien, avec Lea, ancienne amour de jeunesse retrouvée, tous deux évoquent ce qui aurait pu être leur romance, depuis le sommet de la « colline de l’amour » d’où se découvre, au loin, l’enclave de Gaza sous les bombes.

Autant le dire d’emblée, je n’ai pas tout suivi de cette histoire, de ses personnages ou protagonistes si fuyants, si peu porteurs de messages : Lapid au cinéma n’aime pas les caractères, qui nuisent à la fluidité, au mouvement qui fait l’essentiel d’un film. Et il arrive qu’il traite aussi les mots d’une conversation pour leurs rythmes, accélérant le débit, le hachant jusqu’à mimer la décharge d’un fusil mitrailleur. Les fusils d’ailleurs, les hélicoptères, les croiseurs de guerre rôdent et encadrent plusieurs scènes de cette société effroyablement militarisée, où l’individu vacille, au bord de se fondre dans le collectif. La boîte de nuit aux sons (et aux corps) déchaînés qui ouvre le film lui donne son modèle, les personnages s’y meuvent à la limite de l’évanouissement – la noyade expressément figurée où Y. manque de périr, sauvé par Yasmine, préfigure d’autres scènes d’engloutissement. À l’image de Y., c’est notre propre tête percevante et raisonnante de spectateur que Lapid voudrait, par ce film, plonger sous l’eau.

J’ai dit que je souffrais d’un herpès des yeux qui continue d’affecter ma vue, et qui me rendait devant ce film maladroit à en déchiffrer les sous-titres ; une part de son intrigue m’a donc échappé. Mais Oui n’est pas un film indifférent – même s’il porte, justement, sur l’indifférence (l’aveuglement, la bonne conscience) qu’une société entretient vis-à-vis de ses propres crimes. Comme dans le film La zone d’intérêt (auquel j’ai consacré ici un billet, « Auschwitz à la cantonade »), les protagonistes de Oui ne veulent rien savoir du génocide en cours à Gaza, et ils se montrent fort peu concernés par les dizaines de milliers de morts accumulés à leur porte. Tous disent oui, ils consentent

On a beaucoup parlé du livre de Vanessa Springora intitulé Le Consentement, beaucoup insisté au moment de sa parution sur cette condition capitale qui, selon qu’elle intervient ou non, change une relation sexuelle en une violence ou un viol. Le film coup de poing de Lapid étend il me semble, et retourne, cette question capitale du consentement en direction de notre propre regard : et vous, comment pouvez-vous consentir à la destruction méthodique de Gaza ? À ces corps d’enfants gémissants sous les gravats ? Au spectacle de ces chiens ou de ces oiseaux emportant dans leur bec ou leur gueule des morceaux de corps humains, une jambe, une tête, que les habitants (qui n’ont plus nulle part où habiter) n’ont pas eu le temps d’enterrer ? Le film ne montre pas ces scènes, évoquées à la cantonade, il les mentionne, les murmure, les faufile dans le fracas d’un étourdissement général, boîtes de nuit, autoroutes où les pneus et les moteurs s’emballent… Savons-nous encore discerner, respirer, trier le bien du mal dans ce vortex hurlant d’images et de sons ? Nos propres écrans, nos technologies modernes d’information nous rendent-ils plus vigilants, ou au contraire distraits, colonisés, consentants ?

La musique, ou en général la bande-son, disent ici l’essentiel. Comme le rappelait Godard mentionné par Lapid dans Les Trois couleurs, le magazine de MK2, avec audio-visuel le son vient toujours avant l’image ; il la supplante, et peut nous conduire à la transe comme l’exemplifie dans Oui une scène d’orgasme par les oreilles. Mais tout le film est dominé par cette recherche d’une musique nationale, militaire, conçue pour galvaniser l’entrée des soldats sur le champ de bataille, et mise ici dans la bouche d’enfants séraphiques : entendent-ils, dans l’enthousiasme propre au ravissement par le chant, ses paroles toxiques et génocidaires ?     La fable, frôlant délibérément le grotesque ou l’insupportable, proposée par ce film n’est pas à écarter au nom du bon goût, ou de la mesure. Elle nous regarde. Et vous, après le 7 octobre, et devant Gaza écrasée, massacrée en représailles, comment, à quoi pouvez-vous dire oui ?

10 réponses à “« Oui », comment consentir ? ”

  1. Avatar de jfr
    jfr

    Consentir? Consentir à l’horreur, à l’extermination, à l’injustice ? Jamais bien sûr. Jamais ! Jamais ! Et surtout pas à la propagande, au mensonge, au décervelage, à la désinformation. La première obligation morale est de s’informer, de regarder le réel et non de céder aux sirènes du mensonge, de la propagande ou pire aux idées imposées par la foule ou les réseaux sociaux. Les mots blessent, les mots tuent, ils peuvent être les armes de la manipulation des opinions comme de la destruction des intelligences… Que dire ? que penser ? Quelles indignations sélectives sont les nôtres… Derrière nos réflexions, nos positions éthiques ou morales, le ventre est toujours fécond d’où a surgi la bête immonde. Oui, la bête est toujours prête à resurgir dans nos tripes. Je ne renverrai donc pas ici, dos à dos, les horreurs du 7 octobre, les assassinats des populations civiles commis par le Hamas, ses crimes atroces rappelant les pogroms de l’Europe de l’Est, et la destruction effroyable de Gaza, ses populations écrasées, la mort des civils innocents. Toute comparaison de ce genre est obscène et les souffrance des êtres sont les mêmes qui voient leur famille exterminée. Je la refuse donc comme je refuse la guerre des mémoires. Le Randonneur-pensif cependant mesure-t-il tout ce qu’il engage avec les mots qu’il emploie ? Les mots choisis dans ce billet qualifient carrément Israël d’Etat Nazi en évoquant le « génocide » commis à Gaza, mot désormais employé par tous et ayant perdu son sens premier, et en nous rappelant le film de Jonathan Glazer, « La zone d’intérêt ». Ne pas défiler dans les rues en criant « Israël assassin », ne fait pas de nous pour autant des Rudolf Höss. Nous sommes, pour notre part, plus attentifs à la reprise des accords d’Abraham qui peuvent et qui doivent établir une paix durable au Moyen-Orient qu’aux foules qui défilent en keffieh dans nos rues en se donnant si bonne conscience…

  2. Avatar de jfr
    jfr

    A la place du premier envoi svp.
    Consentir? Consentir à l’horreur, à l’extermination, à l’injustice ? Jamais bien sûr. Jamais ! Jamais ! Et surtout pas à la propagande, au mensonge, au décervelage, à la désinformation. La première obligation morale est de s’informer, de regarder le réel et non de céder aux sirènes du mensonge, de la propagande ou pire aux idées imposées par la foule ou les réseaux sociaux. Les mots blessent, les mots tuent, ils peuvent être les armes de la manipulation des opinions comme de la destruction des intelligences… Que dire ? que penser ? Quelles indignations sélectives sont les nôtres… ? A côté de nos réflexions, de nos positions éthiques ou morales, « le ventre est toujours fécond d’où a surgi la bête immonde »… Je ne renverrai donc pas ici, dos à dos, les horreurs du 7 octobre, les assassinats des populations civiles commis par le Hamas, ses crimes atroces rappelant les pogroms de l’Europe de l’Est, et la destruction effroyable de Gaza, ses populations écrasées, la mort des civils innocents. Toute comparaison de ce genre est obscène et les souffrance des êtres sont les mêmes qui voient leur famille exterminée. Je la refuse donc comme je refuse la guerre des mémoires. Le Randonneur-pensif cependant mesure-t-il tout ce qu’il engage avec les mots qu’il emploie ? Les mots choisis dans ce billet qualifient carrément Israël d’Etat Nazi en évoquant, lui aussi, le « génocide » commis à Gaza, mot désormais employé par tous et ayant perdu son sens premier. En y accolant le titre du film de Jonathan Glazer, « La zone d’intérêt » dans lequel une famille allemande vit tranquillement aux côté des acteurs de la Solution finale. Ne pas défiler dans les rues en criant « Israël assassin », ne fait pas de nous pour autant des Rudolf Höss. Nous sommes, pour notre part, plus attentifs à la reprise des accords d’Abraham qui peuvent et qui doivent établir une paix durable au Moyen-Orient qu’aux foules qui défilent en keffieh dans nos rues en scandant « From the river to the sea »…

  3. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    Après une longue pause estivale parmi les cigales, et quelques blogs plus tard (autour du roman et du cinéma), quel rude retour vers les turbulences…Par l’un de ces ironiques « hasards objectifs » chers à Breton, voici qu’au jour 1er de 5786, Rosh ha-Shana (Capo d’Anno disent nos amis Italiens, « Tête de l’année ») paraît ce blog-choc.

    À la sortie du film: secousse d’une toute autre nature. C’est à une folie traumatique convulsive post-7 octobre et de la guerre impitoyable qui s’ensuit, électrisant tous les protagonistes du film Yes, que nous sommes confrontés. Par des images hallucinées, hoquetantes, une bande- son explosive, des accélérations et arrêts. Des scènes grotesques et délirantes, un désespoir rarement muet, le plus souvent volcanique. Désespoir de consciences torturées, devant des injonctions contradictoires : se défendre et survivre, d’un côté, mener une guerre urbaine implacable, dans une densité de population presque inégalée, avec tous les désastres qu’elle implique, de l’autre. Un déchirement incarné d’abord par Y, nom tronqué, un Yes qui n’en est pas un. En hébreu, ce serait K, pour Ken, avec quelques connotations.

    Relevons que seul un État démocratique peut laisser éclore en son sein une marge d’opposants virulents : Nurith Aviv ,Elkabetz, etc. pour ce qui est des cinéastes. Là, en pleine guerre, un opposant Israélien hors les murs jette sur l’écran une charge anti- gouvernementale et état major, avec en corollaire la vision d’une société qui en partie se délite. Une charge qui culmine dans un excès délirant et caricatural: un chant de victoire via des enfants robotisés. D’autant plus que ce chant s’avère scandaleusement détourné de celui, admirable, de l’un des héros de l’Etat d’Israël, le kibboutznik poète et écrivain Haïm Gouri. Et ce contre l’autorisation de la famille.

    En dépit de cette charge accablante de Nadav Lapid contre les autorités de son pays, on était en droit d’attendre une réception favorable à ce film parmi les milieux Européens, singulièrement les Français, qui défilent dans nos rues et fracassent, sous un drapeau à la symbolique polyvalente, et portant force keffiehs de Feddayin. Que nenni! En témoigne l’article courageux de Charlie Hebdo, que signe Gérard Briard, au titre percutant « Boycottons les Juifs » date du 24 septembre. Il y dénonce l’amalgame entre Israéliens et Juifs de diaspora, d’abord, et l’essentialisation des uns et des autres, quels que soient leurs prises de positions et actes, ensuite. « Le film ‘Oui’ de Nadav Lapid, virulente critique de la société israélienne de l’après-7 octobre victime de la censure du cabinet de Netanyahou, est tout de même rejeté par des collectifs pro-palestiniens au motif qu’il participe en réalité à la normalisation de l’État israélien, en donnant une image culturelle légitime à un système colonial ».

    C’est dans ce contexte mondial de retour de la bête immonde que les mots doivent être pesés en toute responsabilité. comme le rappelle JFR. Devant les boycotts tous azimuts contre Israël et de nombreux Juifs de Diaspora, attaques antisémites en paroles comme en actes, sous couvert d’antisionisme, la prudence s’impose lorsqu’on manie et brandit des concepts, si souvent détournés, et quand on rapporte des faits, si souvent tronqués ou biaisés.

    Quelques illustrations :

    – le terme « génocide » qui fait l’objet de recherches mondiales depuis l’introduction de ce néologisme par le juriste Raphaël Lemkin en 1948, repris par Claude Levi Strauss. Citons parmi d’autres un centre assez unique du monde à Aix en Provence, Camp des Mille, consacré aux mega-génocides du XXe s, Shoah, génocide Arménien, Tzigane, celui des Tutsi au Rwanda, notamment. On y apprend à les distinguer des crimes de guerre, où l’intentionnalité d’éradication totale assortie d’un plan méthodique à ces fins sont absents. Quel dirigeant génocidaire prévient -il les populations civiles de fuir avant les attaques?

    – on n’accorde pas ou difficilement au peuple israélien le droit de se défendre après le plus grand pogrome de son histoire.

    – on occulte délibérément le fait qu’à 4 reprises, l’avènement d’un État palestinien a été refusé par ses dirigeants- laïcs, alors: 1948, 1967, 2001, 2009. « From the river to the sea » toujours actuel en est l’arrière – fond: un État à la place d’un autre, et non deux États côte à côte. Seuls les Accords d’Abraham permettraient de changer la donne, à mes yeux . Élan interrompu par le 7 octobre mais on pourrait espérer en l’avenir. En revanche, toujours selon mon opinion, suivant celui de nombreux spécialistes du Proche-Orient, la reconnaissance inconditionnelle aujourd’hui d’un État de Palestine, loin d’être facteur de paix, ne fera que durcir les deux belligérants.

    – on ne s’interroge pas en outre sur la focalisation obsessionnelle, en « indignations sélectives » comme le rappelle JFR, du conflit à Gaza. Où sont les mobilisations mondiales contre les massacres perpétrés au Darfour, au Yémen, celui des Ouïgours, des Yezidis? Pourquoi ce deux poids deux mesures?

    Alors « Oui » liberté de pensée et d’expression pour dénoncer les désastres de la guerre, voire dénoncer les dérives d’un gouvernement si c’est la visée d’un cinéaste. Mais « Non » à la diffusion, même inconsciente, des éléments de langage émanant de l’idéologie du Hamas, et plus largement et anciennement de l’idéologie freriste, qui fait hélas florès sur une bonne partie du monde. Émanant non pas des peuples eux-mêmes, mais de leurs dirigeants relayés hélas par certains milieux -extrêmement actifs- intellectuels, artistiques, politiques et médiatiques…

  4. Avatar de jfr
    jfr

    « Oui » (suite)
    « Oui », merci au Randonneur qui nous a donné l’idée d’aller voir ce film. Non que celui-ci soit un chef d’œuvre, loin s’en faut. Trop long, répétitif et à la fin, lassant. Mais fascinant, par son âpreté même, sa dureté, sa vulgarité, son obscénité, sa folie… D’emblée, Nadav Lapid place le spectateur au cœur de la guerre, au cœur du traumatisme. Au milieu de la sidération et de la désintégration des esprits. Nous sommes après le 7 octobre, jour du massacre, moment de stupeur et d’effroi (plus de 1188 personnes assassinées, 251 autres prises en otage). Tout juif s’étonne d’être encore en vie et voit renaître en lui le cauchemar de la Shoah. Comment peut-on être vivant après ces crimes atroces, quand donc les tueurs vont-ils venir vous assassiner ? C’est cette horreur-là que le film nous montre en faisant s’exprimer à l’écran Y, Yes, Ken en hébreu, personnage déjanté, absurde, et son double féminin Yasmine, n’ayant plus de mots pour qualifier l’innommable.
    Le film nous plonge dans l’immense cauchemar de l’incapacité de penser. Restent les actes, les mouvements du corps en survie… Y est exsangue, il danse jusqu’à l’évanouissement. L’agitation incessante et l’excitation maniaque ne le sauve pas de la dépression. Il tombe en rêve dans des gouffres, il se noie. Il faut le réanimer, le sortir de l’engloutissement.
    Rien n’y fait. Les images du film éclatent comme des bombes, la lumière nous agresse, la bande-son nous hurle dans l’oreille. L’oreille tiens, oui, yes, ken, qui soudain se transforme en zone érogène, en zone vivante, dans une scène incongrue, improbable, où l’érotisme vient prendre la place de l’anéantissement et du désir de meurtre.
    Les mots sont vides, inutiles, et les métaphores n’ont plus de sens. On lèche les bottes ou le cul de commanditaires implacables, falsifiant les paroles d’un chant de l’indépendance nationale, comme pour en tordre le sens. Un long vomissement sort des tripes à la place des mots que l’on ne peut plus prononcer ou même chanter. Une scène particulière traduit parfaitement le processus. Ce moment où, en s’étranglant, l’ancien amour de jeunesse de Y fait à toute vitesse le récit des atrocités du 7 octobre… Récit si insupportable qu’on ne peut l’entendre qu’en se bouchant les oreilles.
    Violence et sexualité se mêlent tout au long du film. « Détruisez, détruisez ces porteurs de croix gammées », entend-t-on. Mais aussi la mise en garde des limites de la vengeance : « Tuer le chien, ne guérit pas de sa morsure », entend-t-on également. Dans une des images du film de Nadav Lapid, on aperçoit au loin Gaza recouvert d’un nuage de poussière. Le nuage semble recouvrir également tout Israël.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux
      Daniel Bougnoux

      Chers amis JFR et Anetchka, Le désordre persistant de mes yeux rend difficile la lecture de vos billets, et plus encore d’y répondre. Je suis frappé par la remarque de JF sur « l’impossibilité de penser », au-delà d’un certain seuil de violence, oui je crois que ce film « Oui » résulte de cette impossibilité, qu’il la montre en acte. Pour « génocide », il y aurait à dire, beaucoup ont relayé ce terme en en soupesant le danger, je ne sais qui a dit « Si ce n’est un ghénécide, ça y ressemble »… Car on « prévient » certes les populations des destructions imminentes, mais pour les envoyer où ? Dans les ruines, dans le désert jordanien ou égyptien, destinations impossibles… Quelle horreur !

      1. Avatar de Anetchka
        Anetchka

        Merci à Chanoir pour ce partage réconfortant, et merci de saluer cette reprise de l’espoir de fin septembre, sous les auspices d’une lueur naissante, « l’étoile de la paix ».

        Crna Mačka, en serbo- croate, et soudain il nous revient ce tonique, désopilant et ébouriffant Chat Noir Chat Blanc d’Emir Kusturica de 1998, comédie yougoslavo-franco-germano-austro-helléno-américaine.

        Et voici qu’aujourd’hui, se profile un accord américano-israélo-qatari-saoudien- égypto -turc, le petit train composé s’allongeant de pakistano-indonésien. On vit d’espérance…

        Pour revenir au film objet de blog, oui, « le réel doit être fictionné pour être pensé ». Bon film ou mauvais film (ma balance penche vers la seconde option), il a le mérite de servir d’accroche au pensable. C’est un peu le miracle de l’art – sous toutes ses formes – sa supériorité sur tout traité théorique. Car ce « partage du sensible » nous permet d’incorporer littéralement le réel, de l’engrammer profondément, l’assimiler, et non de le survoler superficiellement dans un nuage abstrait vite oublié.

        Mais sans nécessairement la médiation d’un film, du fond des granges de la dolce France surgit souvent une clairvoyance que certains citadins en quête de boussole pourraient envier…

  5. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    C’est bien fâcheux, cher Daniel, ces ennuis à l’œil qui t’assaillent ces dernières semaines et j’espère une proche guérison grâce a un excellent spécialiste.

    Difficile de suivre le blog dans ces conditions visuelles, vraiment !

    J’avais envoyé une 2e version de ma réponse, préférable, mais elle est restée en stand by. Peut-être paraîtra-t-elle en substitution …

    Juste une petite remarque sur le point relatif au déplacement préventif des populations palestiniennes avant les frappes, via les divers moyens mis en place par les autorités israéliennes. Certes elle est lente, dramatique, pleine d’obstacles et au premier chef les obstructions du Hamas, utilisant les civils comme boucliers humains. La misère de ces foules errantes, allant d’un lieu de ruine à un autre serre le cœur. Mais pourquoi les frères Jordaniens et Égyptiens ferment-ils leurs portes depuis des années, et a fortiori en pleine guerre, maintenant, s’ils considèrent qu’il y a urgence génocidaire ?
    La réponse est qu’ils ne veulent plus déstabiliser leurs régimes, plus jamais de Septembre noir, même devant l’urgence. La guerre est cruelle, insupportable, on prie chaque jour pour qu’elle s’arrête. Il suffirait pour le Hamas de restituer les otages et de déposer les armes, la guerre s’arrêterait le jour même, tout ce désastre prendrait fin…

  6. Avatar de Lechanoir
    Lechanoir

    Bonsoir les amis !

    Quelle joie de se retrouver, ce soir où, là-bas du côté du Jourdain, l’étoile de la paix, illumine

    un ciel assombri par les horreurs de la guerre, grâce à quelques hommes de bonne volonté!

    Merci J-F, merci Anetchka pour vos commentaires d’une belle intelligence.

    Il y a quelques jours, un grand des écoles, docteur en physique théorique, micro à la main, donnait conférence sous une grange de la dolce France où ce qu’il en reste…Devant un auditoire tout ouï, il nous parlait de la nature

    de la réalité et de l’esprit omniscient dont elle semble dériver. Et votre serviteur, un peu à l’écart, cherchait « Fortune »

    dans l’absente et à la fois présente « Madame Quantique ».

    Derrière le tribun, une carte de France affichée à la porte en bois de l’étable et, au milieu, une étoile…jaune.

    Est-ce par hasard ? Quelle fée merveilleuse perchée quelque part et voyageuse à souhait pourrait répondre, à cette terrible question, mes bons seigneurs ?

    Peut-être notre Daniel cinéphile, actuellement sous aciclovir, nous donnera-t-il la réponse au sortir de la piscine de « l’intuition de l’instant », celle de Siloé !

    Un Hippocrate nonagénaire s’est plu à quitter son île pour aller à la rencontre d’une Abdère agricole et rurale.

    Et dans cette ferme du Poitou, ils se sont parlé, interrogés, congratulés et plu…Qui l’eût cru ?

    Point de journalistes, fors un, un seul mais il était en arrêt maladie, le pauvre !

    Heureux de repartir avec le livre du conférencier, bien décidé à le lire pour y trouver peut-être quelque chose…

    Décidément, chers amis, Le réel doit être fictionné pour être pensé.

    N’est-ce pas ce que Jacques Rancière écrit dans « Le partage du sensible » ?

    Bon réveil à tous !

    Mikaël Lechanoir

  7. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    Curieusement, cher Daniel, ma courte réponse au dernier participant du blog Lechanoir (pardon, j’avais omis Le!) est paru au-dessus, non au-dessous, et sous forme de mince ruban ….petit aléa amusant …
    Et mon texte initial était paru sous sa première variante non révisée, par une sorte de bug…
    Mais il n’est pas aisé de suivre le blog comme à l’accoutumée avec tous ces ennuis oculaires… Qui j’espère seront très vite surmontés!!

  8. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    Variante 2 de ma réponse initiale (suite à un bug, c’est la version inachevée qui était parue)…Le Randonneur m’autorise à le substituer, merci!

    Après une longue pause estivale parmi les cigales et quelques blogs plus tard (autour du roman et du cinéma), quel rude retour vers les turbulences…Par l’un de ces ironiques « hasards objectifs » chers à Breton, voici qu’au jour 1er de 5786, Rosh-ha Shana (Capo d’Anno disent nos amis Italiens « Tête de l’année ») paraît ce blog-choc.

    Après visionnage du film, secousse d’une toute autre nature. C’est à une folie convulsive, traumatique post-7 octobre et au cœur d’une guerre impitoyable en réplique, électrisant tous les protagonistes du film Yes, que nous sommes confrontés. Via des images hallucinées, hoquetantes , une bande-son explosive, avec accélérations et arrêts. Défilent des scènes grotesques et délirantes, expression d’un désespoir, rarement muet, le plus souvent volcanique. Désespoir de consciences torturées, devant des injonctions contradictoires : se défendre pour survivre, oui ; mener une guerre urbaine implacable, avec une densité de population quasi-inégalée, à haut risque en pertes humaines pour les deux camps, dit-on oui à toutes les implications ? C’est un déchirement incarné au premier chef par Y, au nom tronqué , un yes en forme de cri. En hébreu ce serait K pour ken, avec quelques connotations.

    Relevons que seul un État démocratique peut laisser éclore en son sein une marge d’opposants déterminés. Tels Nurith Aviv, Ronit et Shlomi Elkabetz, Eran Riklis et autres cinéastes. Là, en pleine guerre, un opposant Israélien hors les murs jette sur l’écran une charge anti-gouvernementale avec en corollaire la vision d’une société qui partiellement perd la boussole. Une charge qui culmine dans un excès délirant : un chant de victoire porté par des enfants robotisés, façon Staline ou Poutine. Le scandale de ce chant réside aussi dans le détournement de celui, admirable, composé par l’un des héros de l’Indépendance du pays, poète, écrivain et réalisateur, kibboutznik, Haïm Gouri. Et ce contre l’autorisation de la famille.

    En dépit de cette charge accablante du réalisateur de Yes, Nadav Lapid, contre les autorités de son pays, on était en droit d’attendre une réception favorable à ce film, parmi les milieux qui défilent dans nos rues et fracassent, sous un drapeau à la symbolique polyvalente, et arborant force keffiyeh de Feddayin. Que nenni ! En témoigne l’article courageux de Charlie Hebdo du 24 septembre que signe Gérard Briard, au titre percutant : »Boycottons les Juifs ». Il y fustige l’amalgame entre Israéliens et Juifs de Diaspora, tout d’abord, et l’essentialisation des uns et des autres, quels que soient leurs prises de positions ou actes, ensuite. Ainsi : « Le film ‘Yes’ de Nadav Lapid, virulente critique de la société israélienne de l’après-7 octobre, victime de la censure du cabinet NetanyahoÉ, est tout de même rejeté par des collectifs pro-Palestiniens au motif qu’il participe en réalité à la normalisation de l’État israélien, en donnant une image culturelle légitime à un système colonial. »

    C’est dans un contexte mondial où la bête immonde se profile à nouveau que les mots doivent être pesés en toute responsabilité, comme le rappelle JFR. Devant le boycott tous azimuts contre Israël, et par extension abusive, contre des figures de proue du monde juif diasporique, face aux attaques antisémites, tant en paroles qu’en actes, sous couvert d’antisionisme, la prudence s’impose. Prudence lorsqu’on manie et brandit des concepts, si souvent détournés, et lorsqu’on rapporte des faits, si souvent tronqués ou biaisés.

    Quelques illustrations :

    – Le terme génocide, si galvaudé dans l’usage commun, s’avère pourtant objet de recherches mondiales rigoureuses depuis l’introduction de ce néologisme par le juriste Raphael Lemkin en 1948, repris par Claude Lévi Strauss. Pour la France, citons un centre assez unique au monde à Aix-en-Provence, sur le site du Camp des Mille, consacré à l’étude des megagénocides du XXe s., Shoah, génocide Arménien, Tzigane, celui des Tutsi au Rwanda notamment. On y apprend à les distinguer, par des critères précis, à des crimes de guerre, où l’intentionnalité d’éradication totale assortie d’un plan méthodique à ces fins sont absents. Quel dirigeant génocidaire prévient-il les populations civiles des attaques futures afin qu’elles se déplacent ? Le Hamas se servant des populations civiles comme boucliers humains.

    – Occultant le pogrome du 7 octobre commis par les terroristes du Hamas, bon nombre de détracteurs d’Israël opèrent un retournement orwellien : les agressés qui répliquent deviennent les agresseurs. On peut discuter de la proportionnalité de la défense, mais pas de la défense elle-même. Nazifier son adversaire est devenu aujourd’hui le mot clé pour le disqualifier radicalement. JFR l’indique clairement. Outrage ultime pour le peuple qui a subi la Shoah.

    – De même, dans la volonté de voir les Palestiniens non Jordaniens accéder à une souveraineté, on occulte délibérément le fait historique qu’à 4 reprises, il a été refusé par les autorités -jadis laïques- qui les représentaient : 1948, 1967, 2001, et 2009. « From the river to the sea », toujours actuel, propose un État à la place de l’autre, et non à côté de l’autre : c’est l’une des motivations des échecs. Le seul espoir à peu près réaliste semble pour de nombreux spécialistes du Proche- Orient résider dans les Accords d’Abraham, grands accords globaux incluant la région, interrompus par le 7 octobre, précisément. Car une reconnaissance inconditionnelle aujourd’hui d’un État palestinien, consacrerait de facto un mouvement terroriste, propre à durcir le camp israélien. Processus complexe qui mérite de la sérénité et de la patience…

    – On pourrait s’interroger en outre sur la focalisation obsessionnelle, en « indignations sélectives » pour reprendre encore JFR, du conflit à Gaza. Où sont les mobilisations mondiales contre les massacres perpétrés au Darfour, au Yemen, celui des Ouïgours, des Yezidis ? De quoi ce deux poids deux mesures est-il le nom ?

    – Alors Oui à la liberté d’expression portée par le film, qu’on l’apprécie ou pas, Non à l’angle de pensée et aux éléments de langage émanant d’une idéologie caractérisée faisant hélas florès, souvent à l’insu même des locuteurs…
    En dépit de cette charge accablante du réalisateur de Yes, Nadav Lapid, contre les autorités de son pays, on était en droit d’attendre une réception favorable à ce film, parmi les milieux qui défilent dans nos rues et fracassent, sous un drapeau à la symbolique polyvalente, et arborant force keffiyeh de Feddayin. Que nenni ! En témoigne l’article courageux de Charlie Hebdo du 24 septembre que signe Gérard Briard, au titre percutant : »Boycottons les Juifs ». Il y fustige l’amalgame entre Israéliens et Juifs de Diaspora, tout d’abord, et l’essentialisation des uns et des autres, quels que soient leurs prises de positions ou actes, ensuite. Ainsi : « Le film ‘Yes’ de Nadav Lapid, virulente critique de la société israélienne de l’après-7 octobre, victime de la censure du cabinet Netanyahou, est tout de même rejeté par des collectifs pro-Palestiniens au motif qu’il participe en réalité à la normalisation de l’État israélien, en donnant une image culturelle légitime à un système colonial. »

    C’est dans un contexte mondial où la bête immonde se profile à nouveau que les mots doivent être pesés en toute responsabilité, comme le rappelle JFR. Devant le boycott tous azimuts contre Israël, et par extension abusive, contre des figures de proue du monde juif diasporique, face aux attaques antisémites, tant en paroles qu’en actes, sous couvert d’antisionisme, la prudence s’impose. Prudence lorsqu’on manie et brandit des concepts, si souvent détournés, et lorsqu’on rapporte des faits, si souvent tronqués ou biaisés.

    Quelques illustrations :

    – Le terme génocide, si galvaudé dans l’usage commun, s’avère pourtant objet de recherches mondiales rigoureuses depuis l’introduction de ce néologisme par le juriste Raphael Lemkin en 1948, repris par Claude Lévi Strauss. Pour la France, citons un centre assez unique au monde à Aix-en-Provence, sur le site du Camp des Mille, consacré à l’étude des megagénocides du XXe s., Shoah, génocide Arménien, Tzigane, celui des Tutsi au Rwanda notamment. On y apprend à les distinguer, par des critères précis, à des crimes de guerre, où l’intentionnalité d’éradication totale assortie d’un plan méthodique à ces fins sont absents. Quel dirigeant génocidaire prévient-il les populations civiles des attaques futures afin qu’elles se déplacent ? Le Hamas se servant des populations civiles comme boucliers humains.

    – Occultant le pogrome du 7 octobre commis par les terroristes du Hamas, bon nombre de détracteurs d’Israël opèrent un retournement orwellien : les agressés qui répliquent deviennent les agresseurs. On peut discuter de la proportionnalité de la défense, mais pas de la défense elle-même. Nazifier son adversaire est devenu aujourd’hui le mot clé pour le disqualifier radicalement. JFR l’indique clairement. Outrage ultime pour le peuple qui a subi la Shoah.

    – De même, dans la volonté de voir les Palestiniens non Jordaniens accéder à une souveraineté, on occulte délibérément le fait historique qu’à 4 reprises, il a été refusé par les autorités -jadis laïques- qui les représentaient : 1948, 1967, 2001, et 2009. « From the river to the sea », toujours actuel, propose un État à la place de l’autre, et non à côté de l’autre : c’est l’une des motivations des échecs. Le seul espoir à peu près réaliste semble pour de nombreux spécialistes du Proche- Orient résider dans les Accords d’Abraham, grands accords globaux incluant la région, interrompus par le 7 octobre, précisément. Car une reconnaissance inconditionnelle aujourd’hui d’un État palestinien, consacrerait de facto un mouvement terroriste, propre à durcir le camp israélien. Processus complexe qui mérite de la sérénité et de la patience…

    – On pourrait s’interroger en outre sur la focalisation obsessionnelle, en « indignations sélectives » pour reprendre encore JFR, du conflit à Gaza. Où sont les mobilisations mondiales contre les massacres perpétrés au Darfour, au Yemen, celui des Ouïgours, des Yezidis ? De quoi ce deux poids deux mesures est-il le nom ?

    – Alors Oui à la liberté d’expression portée par le film, qu’on l’apprécie ou pas, Non à l’angle de pensée et aux éléments de langage émanant d’une idéologie caractérisée faisant hélas florès, souvent à l’insu même des locuteurs…

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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Les derniers commentaires

  1. En réponse à Roxane, puisque je n’ai pas encore vu le film (attractif il semble) et ne peux donc me…

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