Depuis deux mois Le Randonneur n’a pas donné signe de vie, que s’est-il passé ?
J’ai décidé au début de juin de me plonger dans la rédaction d’un roman, en me jurant de le terminer avant la fin de l’été. Ce genre de projet ne souffre pas de distraction, très vite toutes mes pensées, toutes mes curiosités ont convergé vers ce texte, qui grossissait chaque jour. « Rien ne résiste à l’entraînement », a déclaré un jour devant moi Michel Serres. J’ai vite trouvé un rythme de deux pages environ (un peu plus, 5000 signes) par jour, avec les inévitables suspensions, voyages, tâches ou engagements divers qu’il fallait bien que j’exécute, je crois avoir consacré à ce livre une cinquantaine de jours, ce qui donne aujourd’hui un total de 270000 signes; ou 135 pages, mon roman est fini !
Il est très agréable d’écrire vraiment, c’est-à-dire de se laisser conduire par un flux, une intrigue, un appel qui vous tire en avant, qui exige chaque jour d’être développé , d’être (partiellement) élucidé. L’historien rapporte des faits, le romancier s’affronte à une énigme, il tourne autour, son « sujet » ne se laisse pas clairement déplier, expliquer… J’ai voulu traiter d’un sujet historique, sur lequel existaient déjà de bons livres bourré s de détails, de connaissances, mais qui ne me semblaient pas épuiser le sujet.
Mon roman s’appelle donc Charlotte et Maximilien, L’invitation au désastre ; il traite d’un épisode particulièrement tragique, en voici le résumé sur la couverture quatre, et les deux pages d’ouverture :
» Charlotte de Cobourg, princesse belge, épousa en 1857 l’archiduc Maximilien de Habsbourg, frère de l’empereur François-Joseph d’Autriche, et tous deux administrèrent les provinces de Lombardie-Vénétie encore placées sous la tutelle autrichienne. À cette époque, Napoléon III forma le grand dessein d’un empire mexicain capable de contrebalancer au sud des Etats-Unis l’impérialisme yankee, et de pacifier une bonne fois, pour mieux l’exploiter, un pays riche de ressources mais encore en pleine anarchie. Il en proposa le trône à Maximilien qui, poussé par Charlotte et non sans réticences, l’accepta.
« Ce livre raconte les trois années, de plus en plus calamiteuses, d’un règne qui s’acheva par un désastre total : Maximilien fut exécuté en juin 1867 tandis que Charlotte, partie chercher de l’aide en Europe, fut frappée d’une démence incurable qui l’affligea jusqu’à sa mort, soixante années plus tard. Qu’a-t-il manqué au couple impérial pour réussir, et comment s’acquitter d’une mission impossible ? Que ressentent, et comment réagissent ceux qui échouent, à l’heure où l’idéal auquel ils ont désespérément cru s’effondre ? »
Résumé suivi d’une très brève notice bio : Daniel Bougnoux, philosophe, a collaboré avec Régis Debray aux Cahiers de médiologie puis à la revue Médium. Spécialiste d’Aragon, il a dirigé l’édition de ses Œuvres romanesques complètes dans la bibliothèque de la Pléiade (cinq volumes). Charlotte et Maximilien, L’invitation au désastre est son premier roman.
« Les dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre. »
Ouverture :
À la mémoire de Françoise B.,
qui la première m’a conté cette histoire
« »Bien des années plus tard, face au peloton d’exécution, Maximilien devait se rappeler –
» Faux départ ! Ce début appartient à Gabriel Garcia Marquez, Cien anos de soledad, l’un des plus beaux romans qu’on puisse lire, dans la traduction de Carmen et Claude Durand parue en 1968. C’est à Claude que j’avais promis ce livre-ci consacré à la funeste équipée de Charlotte et Maximilien, nous en avions une fois parlé, il m’y encourageait…
» Il est difficile de préciser l’origine d’une rêverie, de quelles alluvions le cours d’une écriture se nourrit, se gonfle sourdement. Le tableau de Manet L’Exécution de Maximilien,dont il existe plusieurs versions, aura constitué pour cet ouvrage un incontestable déclic : la figure centrale de l’Empereur s’y trouve cernée par le nuage de la fusillade, qui menace aussi d’occulter toute cette histoire. Quelles parts saillantes de sa courte vie le malheureux Maximilien parvint-il à se rappeler, à cette dernière minute où, dit-on, tant de flashes affluent dans une tête ? Que pouvons-nous dire des désirs, des rêves, des erreurs, des actes manqués qui préparaient cette lamentable issue ? Et qu’en savent, peints par Manet, la jeune indienne qui se bouche les oreilles ou les peones derrière le mur, qui observent nonchalamment une mise à mort qui les concerne si peu ?
» Notre regard rejoint celui de ces spectateurs naïfs que je peux à peine renseigner, comment, pourquoi Maximilien et Charlotte se sont-ils trouvés juchés dans les années 1860 sur ce trône branlant du Mexique, par quelle faveur du Ciel ou de l’Enfer, par quel enchaînement dramatique de confusions et de mensonges dont nous ne comprenons à peu près rien ? D’où repartir ? Combien de personnages ou de protagonistes mériteront de figurer dans ce récit ? Quels en seront les temps forts, les coups d’éclat et le travail de sape des milieux et des circonstances, quelles étaient les chances de réussite de ce couple, et quelles bifurcations leur furent fatales ?Il y a tant de façons de raconter l’Histoire. Et celle de Maximilien et de Charlotte soulève tellement de questions, ou d’énigmes… D’où ce livre. »
Cent-trente cinq pages suivent ce préambule, distribuées en douze chapitres. Quel éditeur va s’en emparer ? Je n’en sais rien encore, et je crains quelques tribulations, et réponses humiliantes (ces lettres de refus stéréotypées, qui ne disent rien sur le fond, sinon le dédain d’examiner). Ou pire que ces lettres, un froid silence. J’ai envoyé mon tapuscrit aujourd’hui vendredi 1er août à cinq éditeurs, en les priant à mots couverts, courtoisement, de ne pas me faire trop lanterner…
J’espère,amis lecteurs, vous annoncer bientôt la bonne nouvelle d’une publication prochaine, chez un bon éditeur. À propos, si vous en connaissez un, n’hésitez pas à me le signaler.! Le temps de l’écriture est, par certains côtés, exaltant, celui de la recherche de l’éditeur très lassant et décourageant…
Qu’il serait plaisant, pourtant, d’entamer à mon âge une carrière de romancier !
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