Rejouer Barbara

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Anne Calas, qui nous avait déjà donné Charles Trenet, Boby Lapointe, Boris Vian ou un bouquet de ses propres chansons (mises en musique et soutenues par le piano de Henry Torgue), vient donc de s’attaquer à Barbara, dans une mise en scène à nouveau signée de Denis Bernet-Rolande, avec à côté d’elle (au piano, à l’accordéon mais aussi très en voix) son partenaire Patrick Reboud.

Le défi était de taille, comment incarner, jouer, ressusciter une pareille diva ? Matthieu Amalric s’y était risqué par un film en 2017, où il confiait le rôle-titre à son ancienne compagne Jeanne Balibar, lui-même jouant (en direct donc) son metteur en scène. Une mise en scène nécessairement déceptive : face aux gens qui se précipitaient à la rencontre d’une icône, voire de leur idole, Amalric prenait un soin malin, en retour, à nous la dérober en jouant  la mésaventure d’un amour masochiste, inatteignable. Rappelons-nous : Matthieu Amalric interprétait un cinéaste qui dirigeait « Brigitte » (Jeanne Balibar) dans le tournage d’un biopic de la célébrissime chanteuse. Cet homme fou amoureux d’une idole (Barbara, dont il contemple avec des yeux extasiés les lambeaux d’enregistrements) demandait à une moindre idole, Jeanne Balibar (qui fut dans la réalité sa compagne) de lui faire la courte échelle pour approcher l’inaccessible diva. Et naturellement ça ne collait pas, ça ne pouvait pas coller, ça ne collera jamais !

Tout le film, et la curiosité du public, tournaient autour de cette tentative de fusion ou de restitution vouée par principe à l’échec. Ni par le visage, ni surtout par la voix (les deux canaux complémentaires de l’identification tant recherchée), « la Balibar » ne parvenait à incarner Barbara, de sorte que le sujet du film devenait son propre fiasco. Raté oui, mais du même coup assez réussi, Amalric filmant et co-signant avec sa partenaire l’impossibilité de ressusciter, et d’offrir sur un plateau à ses fans, une idole disparue depuis vingt ans.

Nous regardions ainsi le méta-film d’un tournage embarquant plusieurs archives d’une Barbara live ; et nous nous demandions assez souvent laquelle nous était montrée, la vraie Barbara, ou son avatar balibaresque ? La proximité des patronymes ajoutant à notre confusion… La forme du nez, ou des lèvres, aurait pu d’un visage à l’autre lever l’incertitude qui demeurait néanmoins, quand le film nous montrait des deux côtés la construction de l’idole : Barbara comme Balibar à leur toilette se maquillant ou jouant avec les éclairages, ou Balibar s’efforçant, à l’écoute de Barbara télévisée de mimer ses jeux de doigts au niveau de l’oreille, son maniérisme que « Brigitte » surjouait ; ou encore, pour nous faire croire à une incarnation réussie, la surimpression des arabesques de la voix sur les lèvres d’une Balibar chantant en play-back

Pour le grand public venu bonnement consommer un loyal biopic, une autre source de déception tenait à la bizarre sophistication du montage : rien dans ce film ne semblait arriver dans l’ordre, les images n’y étaient pas raccord.Et sans doute faut-il voir dans ce choix d’une certaine déglingue un aspect véridique, et touchant, de la personnalité et de l’art de Barbara, chanteuse fantasque qui se réclamait elle-même des gens du voyage, qui se montrait capricieuse ou imprévisible. Les très nombreux extraits musicaux présents dans ce film permettent d’analyser en direct le style de ses chansons ; celles-ci ne racontent pas toujours une histoire, Barbara fredonne ce qui météorologiquement la traverse, comme on chantonne dans le noir pour s’endormir, ou se donner du courage… Et quand elle raconte par bonheur une histoire (« Nantes »), l’arabesque si ténue dans les aigus de la voix suspend celle-ci à l’indicible, à l’émotion pure. Ce qu’échoue totalement à faire une Balibar affublée de plumes noires quand, accrochée au piano d’un bar de routiers, elle interprête et gâche pathétiquement ce sublime morceau. 

J’ai donc resongé à ce film en assistant au spectacle d’Anne Calas, qui ne prétend à aucune reconstitution (fût-ce pour en montrer l’échec ou la futilité). De Barbara, Anne a réalisé une approche sensible, toute en intimité, comme se parlant à soi-même, ou engageant avec le public un jeu de confidences, la recherche d’une connivence. Entrant en scène, elle fredonne pour elle-même Une petite cantate, le temps d’arranger le micro ou d’enfiler une paire de chaussures. Elle ne cherche pas le mimétisme, mais une intériorité ou une incarnation plus rare, forcément décalée. Un chef d’œuvre comme « Pierre » semble exemplaire pour saisir l’art ici mis en œuvre :  une juxtaposition d’humeurs ou de pensées disjointes, un kaléidoscope de songes qui accèdent à peine à la voix, encore moins au récit – riche en syncopes et en faux-fuyants. On ne peut produire de Barbara qu’un portrait humoral et lui-même brouillé, comme ce « Pierre » qui ne ferait, à petites touches ou par impressions diffuses, que suggérer le passage des saisons, de la pluie ou du temps. 

Un pas de côté sensible s’opérait aussi avec la reprise de Nantes, pour laquelle Patrick Reboud délaissait le piano en faveur de l’accordéon, et entraînait ainsi la chanson dans un climat tout autre : là où le piano perlait le texte, comme des gouttes de pluie (« Il pleut sur Nantes / Et je me souviens… »), l’accordéon sous les doigts de Patrick gémissait, rauque, grinçant et comme désaccordé, il broyait cette veillée funèbre et semblait donner aux paroles l’accompagnement d’un dernier souffle.

Entrer dans Barbara, c’est faire le noir, pour s’en remettre à une oralité des plus singulières ; moins chercher à voir qu’à fortement entendre, et faire résonner à la cantonade, en écho, nos propres hantises… Non pas montrer l’irréparable distance entre la grande Barbara et la pauvre Balibar avec ses pitoyables vocalises, son maniérisme surjoué ; Anne ne pose pas devant nous à la star, elle remet Barbara à sa place, proche de son piano, avec ses hommes comme dit une chanson où elle énumère ceux de sa vie, jardinier, chauffeur, garde du corps, mais aussi dans le cours de ce récital les auteurs qui l’ont inspirée, qu’elle a aimés : Jacques Brel au premier chef, dont on entend trois chansons, ou encore Brassens avec un très inattendu remake de La non-demande en mariage rejouée en duo sur un rythme de bossa-nova… Mais encore Frédéric Chopin, qui met si bien en valeur le piano, l’instrument-roi autour duquel tourne aussi ce spectacle. 

Barbara ne vivait jamais très éloignée du sien, que nous voyons ici reconstitué, déguisé en un demi-queue alors que l’instrument se divise en treize éléments, dont un clavier numérique, qui ont pris l’ascenseur jusqu’à ce quatrième étage. La facétie, la fantaisie, une douce conspiration teintée de rigolade nous enchantent irrésistiblement ; Anne Calas s’applique à Barbara sans en faire un drame, elle y picore, elle en joue, et nos émotions bouillonnent au fil de ce spectacle riche en réminiscences. Les souvenirs personnels de chacun feront et revivront le reste, on connaît par cœur la plupart des chansons proposées, on a tous en nous beaucoup de Barbara.   

20 réponses à “Rejouer Barbara”

  1. Avatar de Dominique
    Dominique

    Bonsoir !

    Cher Daniel, quel hormone de bonheur, ce billet qui exprime une si grande sensibilité !

    Aussi, quel formidable hasard !

    Avant d’en prendre connaissance, je lisais un courriel reçu d’une très bonne amie qui intitulait le sujet de son long et touchant message par ces mots de Barbara : « Un beau jour ou peut-être une nuit… »

    M’est venue incontinent, cette image de « l’aigle noir » et du drame intime qu’a vécu la jeune fille, la chanteuse Barbara.

    Le contenu du message de l’amie me parle d’un rendez-vous manqué, d’un hasard malheureux, d’un ministre qui a dit oui, maintenant sur les planches, et qu’elle aimerait bien aller voir.

    Il pleut sur sa ville…cette ville laide, selon Michel Houellebecq, que j’ai vue, hier, resplendissante et belle.

    En lisant et relisant les mots de l’amie, je me suis souvenu de René Char : « L’aigle est au futur ».

    Un jour, sur les estrades de Vendée, sous un soleil accablant, le rapace est venu sur ma tête, se poser.

    Peut-être avais-je lu quelque part, quelque chose de Zarathoustra…

    Quelque chose qui me disait « Fais comme l’oiseau, ne parle plus, chante ! »

    Dominique

    1. Avatar de Daniel Bougnoux
      Daniel Bougnoux

      On lit, révélé à demi-mot dans son autobiographie « Il était un piano noir » , l’un des drames de sa vie qui fut en effett l’inceste infligé par son père, et il est frappant d’écouter à partir de ce secret murmuré ses deux chansons majeures, Nantes et L’Aigle noir où le travail de la blessure et du deuil engendra deux incontestables chefs d’œuvre.

  2. Avatar de Dominique
    Dominique

    Est-ce par hasard, si j’ai croisé le masculin de cette hormone ?
    Je me dois de rectifier de suite.
    Il faut lire « quelle hormone »

    Bien à vous

    Dominique

  3. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    Partie tôt matin de la Gare de Lyon, en partance vers le Sud près de l’Italie, il me revient soudain : « Nous prendrons le train/ Pour Capri la belle/ ….J’vais m’ensoleiller/ Près des gondoliers/ Juste à l’aube grise/ Demain c’est Venise…( La Gare de Lyon)

    Merci, cher Daniel, d’avoir, par ce billet, fait résonner tant de magnifiques chansons dont les mélodies à courbe montante (dans les aigus) et descendante, harmonieuses ert subtilement nuancées, m’ont autant impressionnées que les paroles.

    Ces chansons qui ont jalonné nos parcours, et qui reviennent par bribes entêtantes. Parfois dans la fraîcheur et la légèreté: «  Y’a un arbre, pigeon vole/ Mon cœur vole/ Pigeon vole et s’envole/ … » (Au bois de St Amand); ou encore en tendre duo avec Moustaki: « Pour une longue dame brune, j’ai inventé / Une chanson au clair de Lune, quelques couplets/…(La Dame brune). Parfois dans un drame sourd: « Ô faites que jamais ne revienne/ Le temps du sang et de la haine/ Car il y a des gens que j’aime/ A Göttingen, à Göttingen/«  et dans un drame plus enfoui encore (L’Aigle Noir). Cette pianiste chantante qui a inspiré le danseur Baryshnikov (Pierre, reprise par lui dans son ballet), fut comprise er encouragée par des chanteurs majeurs comme Brassens et Brel, comme il est rappelé justement dans ce blog,. Brel disait d’elle: « Barbara, c’est une fille bien. Elle a un grain, un beau grain ».

    Quant au film biopic dont il est question et dont je n’ai vu que des extraits … dissuasifs, il me semble que ce type d’entreprise est vouée à l’échec quand il s’agit de retracer de telles personnalités. Si le réalisateur n’est pas lui -même doté d’un « grain «  de génie, et ne choisit pas un biais très personnel, alors, « forget it » diraient les Américains. Il a fallu un Milosz Forman pour réaliser un fracassant Amadeus , à mille lieues du biopic! Dans un genre documentaire, envolé et poétique, on peut citer L’Amour de la vie, Artur Rubinstein de Gérard Patris et François Reuchenbach pour célébrer une vie pianistique. Dans un style plus mineur et plein d’humour décalé, de fantaisie et de dérision, j’avais beaucoup apprécié Jean -Philippe sur Johnny ( par Laurent Tuel) en 2006 avec un Luchini jubilatoire et un Johnny H en contre emploi de looser désabusé ; et puis , un peu dans le même esprit, Podium sur Claude François (par Yann Moix, en 2004) . L’autre film assez réussi à mes yeux était Ray (de Taylor Hackford) d’où l’on ressortait envoûtés de musique.

    En revanche, des biopics comme La Môme (Olivier Dahan, 2007) , en dépit des bons acteurs, et de critiques élogieuses, font partie de la série des flops, selon mon opinion…Cotillard est à Piaf ce que Balibar est à Barbara. Inatteignable…

    En tout cas, « merci et chapeau bas » pour reprendre l’une des premières chansons de la longue Dame Brune!

    1. Avatar de Daniel Bougnoux
      Daniel Bougnoux

      Merci chère Anetchka de ces « compléments » (et compliments !). Nous vivons toi et moi subjugués par les mêmes chansons…Je serai plus indulgent que toi sur certains films : Cotillard incarnait Piaf à un degré étonnant, j’ai beaucoup aimé comme toi Podium, quant à Amalric il joue sur le velours avec Balibar en Barbara puisque son propos est de nous montrer l’impossibilité du biopic projeté : donc, si c’est mauvais c’est justement réussi ! Ray, c’est Ray Charles ? Je garde un grand souvenir de ce film, et aussi du biopic de Johnny Cash incarné par J. Phoenix, « Walk the line »… Et le dernier Dylan, « Un parfait inconnu » ?

  4. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    C’est vrai, nos sensibilités mélodiques semblent au diapason et une mémoire partagée des chansons nous poursuit comme une ombre, ou plutôt une belle lumière…

    Oui je suis sûrement trop sévère pour La Môme. Mais j’avoue que malgré la performance de Marion Cotillard, je ressentais continuellement la copie d’un original trop unique en son genre pour être retracée dans un continuum de vie. Pour y croire, il eût fallu une fulgurance, un je-ne-sais-quoi de folie créatrice façon Forman…

    Pour Balibar-Barbara, je comprends le paradoxe de cette visée du réalisateur: si c’est raté c’est réussi! Mais ça me rappelle un recueil d’articles sur le thème de l’Ennui où je rédigeais ma partie (interlinguistique): attention les auteurs, ne pas trop adhérer au sujet (alias ne pas devenir une scie) !

    Je n’ai hélas pas encore vu « Un parfait inconnu » où Bob Dylan semble (d’après la bande annonce) avoir une belle présence, en effet.

    Quant à Ray, ce film
    enthousiasmant, yes, Ray Charles of course!

  5. Avatar de m
    m

    Peut-être que la nature n’a pas dit son dernier mot…
    Peut-être que la culture en dit beaucoup…
    Trop sans doute !
    Par-delà, peut-être, une autre réalité.

    Amitiés incertaines

    m

  6. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    Du haut de mon village azuréen perché , c’est la Nature, certes, qui a le dernier mot. Certains refrains se perdent dans le vent et l’écho des montagnes . D’autres résistent encore un peu en franco-provençal joliment mâtiné de gênois, de ligure et de corse, et on aimerait que tintent longtemps leurs sonorités…

  7. Avatar de Roxane
    Roxane

    « Et que personne ne s’offense
    Mais les contes de notre enfance
    « Il était une fois » commence
    À Göttingen »

    Neuf ans avant la naissance de la chanteuse, Sandor Ferenczi et Lou Andréas-Salomé se sont rencontrés…à Göttingen, pour y parler de la question relative à la transmission de pensée.
    Aujourd’hui, à l’heure où l’on parle de non-séparabilité, d’intrication quantique et d’esprit créateur au delà de la matière dans les savants aréopages, où, Monsieur le randonneur pensif, Mesdames et Messieurs les commentateurs, commence « Il était une fois » ?

    Amicalement

    Roxane

    Lundi de la semaine sainte deux mille vingt-cinq

  8. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    « Il était une fois », ces mots magiques inaugurant des mondes merveilleux (pour Barbara, Gottingen en est le km zéro) se disent déjà en euphonie rythmique dans certaines langues: zhili-byli ou davnym -davno en russe, hay – haya en hébreu, Cera una volta en italien…
    Ils pourraient bien introduire en effet, comme le suggère Roxane, le « Magique quantique » (titre d’un ouvrage) pour entrer en un monde où les objets peuvent se trouver en deux endroits à la fois, où la cause et l’effet peuvent s’inverser, et où la simple observation d’un objet change son état..
    Alors on se plaît à imaginer que la télépathie et télékinétique , qui auraient réuni Lou Andrea Salomé et Sandro Ferenczi à Gottingen, en attente d’éclairage, appartiennent encore un peu au monde des enchantements.
    Surtout en cette période de Pâques-Passkha-Pessakh qui sont alignés en cette année 2025….

  9. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    Je corrige le prénom hongrois devenu hispanique par métathèse: «  Sandor » bien sûr…

  10. Avatar de Jfr
    Jfr

    Les cendres de Lou Andreas Salome ont été dispersées au cimetière de Gottingen, comme ses livres qui furent détruits par les nazis…Trop freudiens…. Quelle femme étrange cette Lou dont la beauté et l’intelligence séduisit Paul Rée, Nietzsche, RM Rilke, Freud, qui la tenait en haute estime, bien d’autres encore… Quelle femme pouvait-elle être, celle qui inspira ce poème à Rilke, de quinze ans son cadet : «  Tu étais pour moi la plus maternelle des femmes,/ tu étais un ami comme le sont les hommes,/ au regard tu étais une femme,/ et tu étais plus souvent encore un enfant./ Tu étais la chose la plus tendre que j’ai rencontrée,/ tu étais la chose la plus dure avec laquelle j’ai lutté./ Tu étais la cime qui m’avait béni/ Et tu devins l’abîme qui m’engloutit. » Dommage que Barbara n’ait pas chanté la folie du poème, l’extrême d’une telle aventure des sens et de l’esprit… à Gottingen….

    1. Avatar de Daniel Bougnoux
      Daniel Bougnoux

      Superbes développements cher JFR ! Barbara aurait aimé…

  11. Avatar de M
    M

    Bonsoir !

    Vous m’apprenez quelque chose, chères Anetchka et Roxane.

    J’écrivais Sándor Ferenczi avec un accent aigu sur la première voyelle du prénom.

    Je ne savais pas.

    Voici la conclusion de la préface du livre « Magique quantique » mentionné par notre voyageuse du blogue :

    « Insoumise et transgressive, la physique quantique est comme la poésie pour Jean-Pierre Siméon, elle « illimite le réel et récuse la segmentation et l’immobilisation du sens ». De façon évidente, elle est l’outil intellectuel idoine pour appréhender le monde de demain.

    Qu’on se le dise, la physique quantique n’est pas compliquée, elle est étrange. Elle « semble » étrange. Pour l’instant en tous cas. En fait, elle attend juste son heure, l’heure d’un nouveau Jules Vernes pour reprendre les mots visionnaires du philosophe Michel Serres. Et cela tombe bien que vous ayez ce livre entre les mains, car son insondabilité supposée se languit d’être percée par votre regard neuf et curieux.

    Drôle, léger et profond, avec des analogies originales, parlantes et tranchantes, le livre de Tim James participe de cette révolution de la démocratisation scientifique et saura parler à tous les lecteurs, des plus novices aux plus érudits. Le genre de livre dont le monde a aujourd’hui besoin.

    Le genre de livre que j’aurais aimé écrire.

    Le genre de livre qui ouvre des portes sur les toits.

    Bon voyage !

    Charles Antoine,
    Physicien, auteur de Schrödinger à la plage  »

    On observera que le préfacier confond Arthur avec Jules dont le nom ne prend pas de s final.

    Ces petits « riens » sur lesquels Régis Debray fait un bel exercice dans un livre vanté par Philippe Bilger dans le dernier numéro de « Service littéraire », me font penser à la grande dictée médiatique sur France 5, mercredi dernier.

    Je revois les années « Pivot » où, dans les chaumières, on sortait les vieux dictionnaires poussiéreux pour connaître le sens et l’orthographe d’un mot. Ce n’était pas le cas l’autre soir…La patrie d’Albert Camus semble vide et je n’ai pas entendu la vigie sur les barrots de la hune, crier « Terre ».

    Quid de ces rades inconnues ? Vers le toit de quelle magique montagne aller pour voir s’ouvrir la porte de la chanteuse en habit de lumière sur son beau phénix ?

    Je n’ai, hélas, que des questions et aucune réponse.

    Et un mot à proposer, le dernier de Michel Serres dans son bel essai sur les corps mêlés :

    Résurrection…

    M

  12. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    Oui, vous avez raison, M, voilà un fâcheux accent oublié dans Sándor (et ici et là, de fâcheux trémas omis à Göttingen), tant il est vrai que ces infimes détails sont parfois pertinents (en changeant le sens, ce qui n’est pas le cas ici il me semble). À propos, je me suis demandée si « Résurrection » (puisque vous l’évoquez) et « Dimanche », qui en russe sont « presque » identiques (Vosskrissénié) en écriture à un « i » / « signe mou » près, et identiques en prononciation, avaient une pertinence… « Dire presque la même chose » écrivait dans son titre Umberto Eco , travaillant sur l’opération de traduction…

    Et pour revenir à certains auteurs déjà cités, concernant entre autres le monde magique et poétique de l’infiniment petit: Michel Serres: « Petite Poucette doit tout ré-inventer pour s’adapter à un nouveau monde » . Et Tim James: : «  Les chercheurs intrépides ont inventé un géant endormi en découvrant la physique quantique »….

    Alors il n’est pas incongru de fredonner « Göttingen » avec Barbara et lire en alternance « Schrödinger à la plage » de Charles Antoine…

  13. Avatar de Aurore
    Aurore

    Bonsoir, chers amis retrouvés dans le labyrinthe ! *

    « Nous, nous avons nos matins blêmes
    Et l’âme grise de Verlaine,
    Eux c’est la mélancolie même,
    A Göttingen, à Göttingen. »

    Et si, assis sur le sable blond, on prenait le parti de voir les choses autrement ?
    On se souviendrait des excès de la chanteuse fantasque dépensant en une nuit une somme d’argent énorme pour des caprices de diva, que de pauvres gens en travaillant dur gagnent même pas en trois mois.
    Et si, tombant sur le journal du physicien Erwin Schrödinger, on découvrait ses abus sexuels que la morale la plus élémentaire et la loi réprouvent ?
    Et si la lecture de « La fabrique du crétin digital » d’un savant responsable, nous incitait à se munir d’une autre loupe pour relire avec des yeux nouveaux « petite poucette » ?
    Et si l’hôte de l’Arlequin assidu de ce blogue, dont l’ouvrage qui vient de sortir sur « l’empreinte de Dieu dans le monde quantique », aperçu dans la vitrine de la FNAC aux côtés de l’essai d’un Nobel de physique, se voyait interrogé, entre deux bottes de foin, par un croquant, en ces termes :
     » Mon bon Seigneur des grandes écoles qui savez tant et tant de choses, pourriez-vous nous dire, à nous, gens simples et silencieux d’en bas, si votre non-localité, téléportation et autres merveilles quantiques sont en mesure de guérir d’un coup d’un seul nos articulations défaillantes, nos misères quotidiennes, sans pour autant nous ruiner totalement ? »

    Au delà de la plage, dans quel presbytère qui se souviendrait de Lou, entendre un homme et une femme et sentir en eux les élans de l’âme des cimes ?

    Dis, quand reviendras-tu ?

    Aurore

  14. Avatar de ML
    ML

    Bonjour !

    Le docteur Claude Plouviet, responsable du site ‘Le Tiers Inclus » a bien voulu m’informer
    de cet article de François Jullien que vous pourrez découvrir sur le site :
    https://tiersinclus.fr

    François Jullien : L’écart ouvre de « l’entre »

    Cet article retrace l’un des concepts fondamentaux de sa pensée et annonce le
    colloque du CENTRE CULTUREL
    INTERNATIONAL DE CERISY :

    De la dé-coïncidence à la vraie vie

    Rouvrir des possibles
    avec
    François Jullien

    Bonne lecture, les amis.

    M L

    1. Avatar de Daniel Bougnoux
      Daniel Bougnoux

      Merci cher ML de relayer une annonce que je m’apprêtais à faire de mon côté, car j’ai beaucoup chroniqué sur ce blog les travaux de François Jullien, meilleur philosophe français à mes yeux, et je participerai fin juin à ce colloque, dont je rendrai compte ici même !…

  15. Avatar de Aurore
    Aurore

    Chers amis, bonjour !

    Il fait beau en cette fin d’aprilée et, ce matin, aux aurores, il me plaît de revenir vers vous, peut-être pour y puiser en retour, grâce à vos commentaires, un peu de lumière.
    Je pense à cette métalepse de Racine :
    « Dieux ! Que ne suis-je assise à l’ombre des forêts !
    Quand pourrai-je, au travers d’une noble poussière, suivre de l’œil un char fuyant dans la carrière ?
    En lisant, hier, le livre récent d’un ami, j’ai pensé tout de suite à cette figure de style, si chère à un théoricien de la littérature que Mme Anetchka doit bien connaître.
    Citant Bernard d’Espagnat, il écrit : « la réalité en soi est fuyante » (« L’empreinte de Dieu dans le monde quantique », page 111)

    Laissons parler un disciple d’Émile Durkheim, si vous le voulez bien :

    « Réel de l’idéal, chose fuyante qui déborde sans cesse la représentation qui voudrait la fixer et qui la voile du même coup. Le sacré et l’incomplétude de la pensée Ce réel n’est-il pas justement ce qui échappe à la pensée tout en étant produit par elle et dont on la suppose investie ? Ainsi la science dévoile toujours plus de réel mais n’atteint jamais la limite »
    Alors vaine quête de Perceval, comme on dirait des « Vaines montagnes », de Marcel Brion (un livre que son épouse m’a offert, un jour) ?
    Qui est Phèdre ? Faut-il aujourd’hui, chercher son nom dans un poème de Racine ou dans un dialogue de Platon ?

    Vers quel « entre », loin des plateaux et des studios de radio et de télévision, ouvrir une fenêtre et respirer à pleins poumons ?

    Bonne journée

    Aurore

  16. Avatar de Anetchka
    Anetchka

    En descendant de mes montagnes méridionales, non pas « vaines », mais en primavera, je découvre, à l’approche de la capitale, un pétillant sillage après « Barbara ».

    Et de saisir au passage la jolie figure de « métalepse », évoquée par Aurore. Hapax de Gérard Genette, théoricien littéraire que je n’avais pas croisé dans notre ville commune, où il s’est éteint bien avant mon modeste ancrage….Dans la mouvance des structuralistes comme Levi-Strauss et Roland Barthes, cette personnalité avait attiré l’attention de notre cercle de linguistes. Ces derniers usent plus volontiers de « métalangue », laissant au champ de la narratologie ce mot spécifique, si intéressant. Opération transgressive que ce déplacement d’une figure, au sein d’un texte, d’un niveau de narration à un autre! Allègre franchissement de frontières, un peu à la façon du cinéma, quand , par exemple, dans La Rose Pourpre du Caire, Woody Allen ose la traversée de l’écran…Mais il y a bien longtemps déjà, le procédé existait sans mot pour le dire, tels les récits chevaleresques…L’Artifex ou le créateur démiurge comme dit Francesco Montorsi (dans Poétique, 2017/1, n* 181) faisait irruption dans son récit, manifestant par là, en connivence avant son public, une conscience de l’artificialité.
    Aragon reprend très bien le procédé, dans Blanche ou l’oubli (dans une incise médiévale entre autres) , et pas mal d’ auteurs modernes. Comme il est plaisant et même jubilatoire de laisser traîner ici et là des indices internes de fictionnalité!

    Mais dans la fiction quantique, on marche tout autrement sur des sables mouvants, il me semble. Puisqu’Aurore cite le physicien philosophe Bernard d’Espagnat, ses écrits A la recherche du réel, et Le réel voilé, donnent d’emblée le ton. Puisque l’auteur distingue un réel empirique et un réel voilé qu’on ne peut espérer qu’entrevoir, en capter tel ou tel trait général… Un réel fuyant sur l’horizon, oui, une sorte de moderne Quête du Graal!

    Même nos fictions imaginatives, nos espaces virtuels, simulacres d’univers les plus échevelés n’arrivent pas à la cheville de ce que ces univers quantiques nous préparent … Pour rester dans le cinéma, on a pu jubiler devant Goodbye Lenin : reconstitution d’une réalité disparue exprimée avec tout le panache, l’émotion, et la drôlerie de ces aller-retours dans le temps pleins de paradoxes. On a pu s’angoisser et rire tour à tour devant The Truman Show : vie artificielle d’un personnage entouré d’habitants qui s’avèrent des acteurs , héros de télé-réalité, et qui captent goulûment , diffusent sa vie depuis son enfance..,,

    Ces pauvres héros roulés dans la farine pourraient bien chanter: « que tout le temps qui passe/ Ne se rattrape guère/ Que tout le temps perdu/ Ne se rattrape plus »…

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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