Rencontres philosophiques d’Uriage

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Je voudrais signaler sur ce blog la tenue des Dixièmes Rencontres philosophiques d’Uriage,  programmées les samedi 12 et dimanche 13 octobre prochains, cette semaine donc. La projection d’un film de Carlos Saura sur Goya, au Belvédère, précèdera ces journées le vendredi soir.

Le thème retenu cette année s’énonce : L’art peut-il refaire le monde ? Question à laquelle je répondrai sans hésiter et vigoureusement oui, à condition évidemment de nous défaire de la vision simpliste d’un même monde objectif et identique pour tous, au lieu de poser, en point de départ, que chaque sujet s’enveloppe dans son monde propre, très différent de celui du voisin. Car il y a autant de mondes que d’individus qui pensent, interprètent, rêvent, imaginent, se souviennent ou se racontent différemment des histoires… Et comme l’a formulé Derrida, la mort d’une personne c’est à chaque fois la fin d’un monde.

J’interviendrai deux fois lors de ces rencontres, dans un « atelier » prévu le samedi après-midi, consacré à diverses pratiques artistiques et où l’on m’a confié l’épineuse question de la musique : comment parler de celle-ci,  ou comment (à quel niveau infra ou supra-verbal) nous « parle-t-elle » ?

Et par une conférence plénière le dimanche après-midi, où j’aurai le plaisir de développer ce que nous apporte la poésie, et plus généralement en  quoi consiste la mise en forme esthétique du langage, au théâtre, dans le roman voire dans l’énonciation ordinaire.

Sans anticiper sur la quantité des sujets abordables sous ce titre, dirai-je seulement que celui retenu par les organisateurs heurte la phrase, combien prophétique, prononcée par Camus à Stockholm à l’intention de ses camarades intellectuels tentés par le communisme ou la révolution ? Il y disait à peu près que la question n’est plus aujourd’hui (1957 !) de refaire le monde, mais de l’empêcher de se défaire…

Ces questions depuis longtemps me sont chères, et je remercie le Comité d’organisation de m’avoir associé à cette manifestation. Je connais par les précédentes éditions des RPU  la qualité du public présent, qui préfère venir s’instruire et débattre dans la grande salle de La Richardière au charme d’une promenade d’automne sur les pentes de Chamrousse… Mesurant son attente, et le sacrifice que cela représente, je crois qu’il nous faudra, au meilleur sens du terme, tenir parole !

Le programme désormais définitif est lisible sur le lien :

Programme 2019Programme 2019

Amis lecteurs de la région de Grenoble, à samedi ?

6 réponses à “Rencontres philosophiques d’Uriage”

  1. Avatar de W.Jaroga
    W.Jaroga

    Bonsoir!

    Peut-être, peut-on espérer lire des épitomés de vos deux interventions dans un prochain billet…J’en serai ravi.
    Des connivences, cher Monsieur Bougnoux, il en existe – et des coïncidences aussi.
    Puisque l’art est au rendez-vous de ces rencontres iséroises, il ne messied pas de rappeler cette première représentation, au printemps mil neuf cent treize, d’un chant nouveau « empli de purs nectars » ou « Le sacre du printemps ».
    Est-ce par hasard si les lettres de ces deux groupes de 4 mots, entre guillemets, sont les mêmes?
    Imaginez qu’en fin de semaine, à Uriage, un lecteur de votre région vous pose cette question!
    Je suis certain que vous saurez lui répondre.
    Bonnes et belles rencontres sapientiales.

    W. Jaroga

  2. Avatar de Roxane
    Roxane

    Je ne suis pas Donna Anna ni Donna Elvira, cher M.Bougnoux, et loin s’en faut!
    Peut-être, une pauvre Zerlina lorraine perdue dans une lointaine contrée au milieu des « cris d’un temple épars »…
    Pour le Don Giovanni, de Losey, n’oubliez pas ce personnage en plus : le clavecin.
    En novembre mil neuf cent soixante-dix-neuf « Diapason » (n°244) lui a consacré de belles pages.
    Un domaine indépendant de celui de la science et de celui de la pensée, peut-il, à lui seul, nous donner quelques indications sur le surgissement des valeurs ?
    Le domaine de l’art, considéré comme précurseur des civilisations.
    Que peuvent les mots, la littérature, la poésie aujourd’hui?
    Ce sont là des questions qui vous seront forcément posées…
    Des questions qu’il faut poser, vous poser.
    Heureux les gens de votre région qui auront l’heur de vous écouter.
    Bonne semaine et belles et joyeuses rencontres.

    Roxane

  3. Avatar de Jacques
    Jacques

    Bonsoir!

    C’est le calme le plus complet à l’abbaye, à peine perturbé par la frappe de votre serviteur sur le clavier.
    A quoi bon ce déluge de mots? Telle est la question sans doute…
    Savoir que ces petites résistances, ces commentaires ont pu intéresser quelqu’un, au point qu’il va, après ses vendanges, écrire quelque chose qui nous intéresse, comble d’allégresse celle ou celui qui cherche à comprendre, puisque comprendre, c’est mieux aimer.
    On aimerait que notre cher billettiste accepte de publier dans son blogue, cette réponse ardemment désirée, de Monsieur Noël Cordonier, si icelui, bien sûr, nous donne le feu vert.
    Au delà de la vitrine philosophique, belle et rutilante, il y a une vie « trine » qu’une périchorèse aussi savante soit-elle, ne saurait dévoiler en la dénombrant.
    Tout n’est pas dit dans un blogue et c’est heureux qu’une part d’ange restât entre les lignes.
    Nous les referons ensemble, demain, peut-être…les vendanges.

    Jacques

  4. Avatar de W.Jaroga
    W.Jaroga

    Bonjour!

    Ce matin, en relisant le dernier commentaire de Roxane, au saut du lit, j’ai envie de rebondir. Notre Zerlina lorraine nous parle de « cris d’un temple épars » Quèsaco, Madame? Difficile de ne pas voir en ces dix-huit lettres, l’anagramme que voici :
    « Le sacre du printemps »
    Est-ce bien la saison qui suit le solennel adagio, cher à George Sand?
    Et si ce temple, Madame, Monsieur, était ce mystérieux égrégore unissant ce qui est épars?
    A Uriage, peut-être, notre randonneur, répondra à la question.
    Revenons recta à son billet relu avec un plaisir multiplié.
    Il cite Albert Camus dans un propos tenu à Stockholm, en 1957.
    Cette année-là, le 12 décembre, au lieu dit, l’écrivain disait :
    « Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice »
    C’était à l’occasion de la réception de son prix. La récompense s’élevait à
    18 776 593, 80 francs (42 000 dollars, selon la première page du New York Times, du 18 – 10 – 1957).
    M. Bougnoux va donc tenir conférence sur une question qui nous intéresse et nous concerne tous. Et pas seulement l’exécrable idéal petit-bourgeois des musées et expositions artistiques, que George Mathieu, par exemple, dénonçait avec une vigueur nonpareille.
    Voyons ce qu’icelui disait devant un parterre de légumes officielles, le 12 janvier 1971, au Cercle des Nations, à Bruxelles :
    « Depuis des dizaines de siècles, le peuple avait été tenu à l’écart de toutes les manifestations de l’esprit. Depuis cent ans, on l’a obligé à apprendre à lire, le laissant dans le désarroi de l’initiative de ses lectures. A quoi sert d’avoir appris à lire, si c’est pour ne lire que les journaux du soir ou nos hebdomadaires illustrés.
    Une enquête récente a révélé que 58% des français n’achetaient pas un seul livre par an. (…) Nous ne faisons que mesurer aujourd’hui la grandeur tragique de la crise morale qui a accompagné la révolution industrielle.
    Des futurologues, des sociologues, des philosophes, des religieux nous parlent de révolution technologique, de planification, de structuralisme, de morale chrétienne.
    Mais aucun progrès ne s’est inscrit dans les mœurs ni dans les âmes depuis cent ans, depuis la Révolution française, depuis les Croisades, depuis le Christ. Nous avons chassé nos Dieux et nos Rois. Notre société n’en est pas pour autant plus humaine.
    (…) La liberté en soi, c’est le vide. Pour qu’elle soit féconde, il faut la structurer et recréer à partir d’elle de nouvelles disciplines. (…)
    Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’une révolution, c’est d’une renaissance.
    Et pas seulement d’une renaissance artistique à l’italienne, mais d’une renaissance spirituelle. Elle est possible. (…)
    Ce véritable éveil de l’homme ce ne peut être seulement le problème des créateurs.
    Ce que je réclame, ce n’est pas seulement la création partagée par tous, c’est la création faite par tous. L’artiste ne doit pas être une espèce d’homme particulière, mais chaque homme doit devenir une espèce particulière d’artiste.
    Seulement alors, l’Art pourra baigner chacun de nos gestes, chacun de nos actes dans une grâce où l’esthétique se confondra avec l’éthique et faire de nos vies selon le mot de Gide  » des œuvres d’Art ».  » (Fin de citation)
    Cette année-là, mil neuf cent soixante et onze, l’Eurovision nous charmait avec un banc, un arbre et une rue. Et Michel Delpech chantait « Pour un flirt » au fond des campagnes, la nuit, dans les bals, au coin d’un pré, applaudit par des milliers et des milliers de gens qui n’étaient pas seulement là pour voir en vrai la vedette…Mais le savaient-ils, ce pourquoi de leur présence ? Quel fin médiologue, à l’époque, pouvait leur faire la leçon?
    Et maintenant que l’amour est dans le pré, où est notre âme ? Qu’est-elle devenue?
    Demandez au paysan, à l’ouvrier, à la femme de ménage, ce qu’ils en pensent!
    Seront-ils là, en fin de semaine, à Uriage pour vous dire que cela s’appelle l’aurore?
    Notre génial ami commun écrit »crépuscule » quand il s’adresse à la femme Narsès (page 16 de son dernier livre). On dira avec Charles Baudelaire qu’il est du matin.
    Mais l’âme, mon bon seigneur, c’est qui, c’est quoi? Du haut de son prieuré, notre lorraine aux yeux de Lyncée la voit-elle venir?
    Un jour d’été de deux mille sept, un ami qui venait de publier un livre en question;
    « Notre existence a-t-elle un sens? » était mon hôte. Ce même jour, le facteur m’apportait une lettre d’un médiologue savoyard, en vacances à Toulon.
    Il me parlait d’un autre livre, d’une histoire naturelle de l’âme.
    Avec le physicien et la pianiste ne pourrait-on pas dire, au delà de toute exhaustion, qu’elle est « chaleur de la braise » ou « le labeur de sa chair ».
    Mêmes dix-sept lettres entre guillemets pour écrire un prénom et un nom :

    « Charles Baudelaire »

    « Qu’on veuille bien m’en excuser : je dois parler de l’âme, sale affaire. » (Du génie français, page 19)
    Puisse notre Professeur émérite de l’université Stendhal, samedi et dimanche, émerveiller son public en bon lapidaire sachant apprécier le grain de la perle.
    Alors, cher ami, comme l’écrit l’autre à la fin de son livre, comme le fait un autre devant la caméra, sur l’estrade, il faudra se retrousser vos manches, palsambleu!
    Très cordialement

    Walther Jaroga

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Que n’êtes-vous, cher Walther, dauphinois, au moins ce week-end où nous pourrions, avec votre amie Roxane si elle pouvait descendre de sa Lorraine, nourrir ces deux journées de débat ! J’essaierai sur ce blog d’en donner lundi une idée, d’essaimer quelques miettes bonnes à picorer pour les oiseaux migrateurs que vous êtes. Migrateurs entre les disciplines, non les terroirs où vous semblez, le uns et les autres, très attachés. J’ai plaisir à retrouver dans vos billets les stupéfiantes anagrammes proposées par Etienne Klein et son ami pianiste : comment peut-on être à ce point ingénieux ? J’en reste sidéré.

  5. Avatar de Jacques
    Jacques

    Mais c’est la nature qui est ingénieuse, cher Daniel, et la langue tire la science…
    Le prénom du peintre Mathieu est Georges avec un s final, mon cher Walther.
    Et c’est un pianiste et non une pianiste qui est l’un des deux auteurs des « Anagrammes renversantes ». Il s’appelle Jacques Perry-Salkow.
    Ce bel ouvrage pose une question en anagramme (avec 3 prénoms en jeu).
    Un lecteur a répondu par une anagramme avec les lettres de la question.
    Monsieur Klein l’a trouvée très belle.
    Nous serons avec vous par la pensée et comptez sur votre serviteur pour vous accompagner, à sa manière bleue, dans vos tables rondes.
    Que l’oiseau et l’enfant enchantent ce haut lieu du Dauphiné et qu’ils nous reviennent dès lundi avec un conte merveilleux!

    Jacques

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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Les derniers commentaires

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