Ce 10 octobre va peut-être voir, à treize heures, la radio proclamer que le prix Nobel de la paix est accordé à Donald Trump, qui depuis quelques semaines revendique hautement cette distinction, énumérant les sept ou huit paix déjà à son actif. Quel paradoxe ! Celui dont nous ne supportions pas la grossièreté, ou en général les mauvaises manières, l’insulteur de Zelinsky, le menteur invétéré, ainsi porté au rang de bienfaiteur de l’humanité ? Ou en modèle et miroir par excellente de cette humanité qui fait tant défaut aux belligérants de tous bords…
Il faut le reconnaître, Trump tient en horreur la guerre, trop mauvais deal, qui n’engendre que des perdants. Lui s’est toujours réclamé du doux commerce de Montesquieu (un auteur dont il n’a sans doute jamais entendu parler), même si sa conception du commerce, et par exemple des taxes d’importation, côtoie la flibuste. Mais par quel extraordinaire concours de circonstances parle-t-on, depuis quelques jours, d’un cessez-le-feu durable à Gaza (à défaut d’une paix véritable), du retour des otages, du maintien des Palestiniens en Palestine, voire à terme de deux états ? Un plan et un espoir de paix, ô combien fragiles, semblent bel et bien sur les rails, et cette dynamique inespérée faisait frémir de joie les foules des deux camps, hier jeudi soir sur nos écrans.
Ce que n’ont réussi à faire ni Obama (pourtant prix Nobel) ni Biden serait donc à mettre au crédit du tonitruant Trump ? Par quelle stupéfiante vertu celui qu’on dénonçait comme un cochon se métamorphose-t-il ainsi, au vu de tous, en soudaine colombe ? La clé de cette énigme a peut-être été donnée, sur le plateau de LCI ce jeudi soir, par le toujours astucieux Gallagher Fenwick : Trump est un voyou, et c’est son principal mérite, il sait tenir tête aux voyous, au Hamas, à Netanyahou, il parle naturellement leur langue. Comme dans le film Le Parrain, « Tu signes, ou ta cervelle va gicler ! ». Il est crédible quand il promet l’enfer au Hamas, il est le plus fort (et il affiche cette force) quand il « négocie » avec le premier ministre d’Israël, qu’il force sous ses yeux, dans le bureau ovale, à s’excuser par téléphone de son bombardement auprès des dirigeants du Qatar… Formidables leçons à méditer par les diplomates !
Oui, c’est un paradoxe bien digne qu’on y réfléchisse. « Vices privés, vertus publiques », énonçait déjà (scandaleusement à son époque) Mandeville et sa fable des abeilles… Un auteur auquel son raisonnement valut d’être appelé par ses adversaires man devil, l’homme du Diable. On a souvent dénoncé en Trump une incarnation du démon. Nous voyons depuis quelques jour ses vices privés se changer en vertu, et le démon se muer en archange sur la scène internationale. Avec la consécration du Nobel ?
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