Cracher sur Nothomb ?

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Je viens de lire Soif d’Amélie Nothomb, acheté par curiosité, ou désoeuvrement, lors de sa parution à l’automne dernier et oublié depuis sur une étagère. Comment cette femme qu’il m’arrive d’écouter lors de ses apparitions excentriques, malgré sa grandiloquence (où les média persistent à voir la promesse d’une « bonne cliente »), a-t-elle pu concevoir un pareil projet ? Comment son éditeur (Albin Michel) ne l’a-t-il pas découragée ? Quel critique a pu trouver cela bon, recommandable ou d’aucune manière intéressant ? De quel degré d’abaissement dans la lecture, dans la culture le succès d’un pareil livre est-il le signe ?

Rappelons le sujet : le monologue intérieur de Jésus lors de sa Passion, depuis le jardin des Oliviers jusqu’aux jours qui suivent sa résurrection. De cette histoire archi-connue, Nothomb nous propose un doublage de son cru, ou, comme disent de nos jours ceux qui mettent Racine ou nos classiques à la portée des collégiens, une adaptation ; pour elle sans doute cette histoire demeurait insuffisamment connue, puisque nous ne l’entendions que par le récit extérieur des évangélistes.

Lacune comblée ! Voici donc comme si vous y étiez Nothomb dans la tête ou la bouche du Christ, lui prêtant, lui soufflant au moment de la douleur la plus aigüe des questions qu’elle-même se pose sur les raisons et les formes de son supplice, sans craindre les anachronismes : Jésus cite Valéry, il disserte sur le sadisme et le masochisme, ou discute un point de théologie, il énumère son « tiercé gagnant », il relève quelques finesses ou lacunes de la langue française, etc. Nothomb n’observe pas, ne décrit pas des scènes archi-connues, elle pilote de l’intérieur les sensations, les sentiments du crucifié, elle déroule la bande-son de ce long film muet. Plus près de toi mon Dieu…

Grünewald, Le retable d’Issenheim

L’Ecriture nous rapporte, et Jordi Savall a interprété, « les sept paroles de Jésus sur la croix », narration mesquine… Mieux renseignée, Nothomb nous en donne tellement plus, des page entières !

Cette oeuvrette n’est pas seulement ridicule de niaiserie, elle sidère par son outrecuidance. Entendons-nous : je ne reproche pas à Nothomb un blasphème, toutes les histoires demeurent ouvertes à l’examen critique, à la reprise par le roman, et la passion du Christ peut susciter bien des récits, son extrême notoriété n’en fait pas un sujet tabou ni sacré. Mais infiniment délicat, ou casse-gueule. Un auteur est par étymologie celui qui augmente, qui enrichit par son offre nos connaissances ou notre attente. L’intrépide auteure de Soif a déclaré je crois qu’elle s’était longuement préparée pour ce dernier livre écrit dans un état d’exaltation, qu’avec lui elle accomplissait enfin un défi lancé à elle-même, un jour je m’attaquerai au récit des Evangiles… Mais qu’a-t-elle à nous offrir de mieux, ou qui surpasse ces textes canoniques ?

Le genre du replay, du bonus ou du making of prospère à notre époque, ainsi que, grâce aux nouvelles technologies, les multiples tentatives d’enrichissement sensoriel (dont j’ai déjà parlé à propos de La Reine des neiges II) ; on revisite ainsi don Quichotte, Macbeth ou Madame Bovary, nos classiques méritent un dépoussiérage qui les mette enfin à la portée de toutes les bourses, Balzac moins ses lassantes descriptions, Proust dépouillé de ses longueurs… Lire ne doit pas nous ennuyer, et nous voulons d’abord participer. Quel meilleur pitch que ce Golgotha avec un Jésus plus intime, sensible au cœur, très amoureux de Marie-Madeleine bien sûr, un peu étonné lui-même, dans le voisinage d’Harry Potter, de ses pouvoirs de magicien ? Car on a beau être un dieu, on n’en est pas moins homme ! Notre passion démocratique, inséparable de l’essor historique du roman, exige nous le savons cette égalisation des conditions, au prix certes d’une éventuelle désacralisation.

Or je ne peux me retenir moi-même d’une persistante sacralisation du livre ; j’attends de ma lecture qu’elle me transporte, me subjugue, qu’elle me découvre, si l’histoire m’était déjà connue, un territoire nouveau, qu’elle m’entraîne où je ne savais pas aller… Avec Amélie Nothomb, je fais l’expérience inverse d’une lecture constamment dégradante ; je me dis que la vie qui me reste est trop courte pour de pareils livres, j’aime la mise à distance sacralisante des peintures aux cimaises des églises, le laconisme des Ecritures par lequel less is more. Assez de rapprochements sensibles, de zooms obscènes, de tortures exhibées, la vue du crucifix est bien assez explicite, bien suffisante comme ça.

Le défaut principal de ce livre est d’échouer complètement à nous faire toucher la douleur, remplacée sur la croix par des rêveries et des dissertations. Or j’avais acheté ce livre pour mieux saisir ce que le spectacle des crucifix, à force de les voir, échoue à nous transmettre, nous ne réalisons pas, les regardant, à quel point ce supplice est abominable, à quel point cela ne se fixe pas, ne se représente pas. Je connais très peu de descriptions convaincantes de la torture, très peu d’évocations réussies de l’extrême souffrance en littérature. Ou en peinture – songeons, dans ce domaine, à l’exception (traumatisante à contempler) du retable de Grünewald, et à son commentaire lui-même saisissant par J.-K. Huysmans. Je mentionnerai, dans La Semaine sainte d’Aragon, l’agonie du Vicomte Marc-Antoine d’Aubigny (avant qu’il n’en réchappe) ; l’auteur qui sait nous faire ainsi descendre dans la souffrance du lieutenant blessé n’était pas pour rien médecin, et se souvenait à l’occasion de son service au front.

Monty Python, La Vie de Brian

On attendrait vainement cette empathie chez Nothomb, elle ne fouille en rien la douleur, qui devrait être le cœur de son entreprise. Elle bavarde, plus proche de la scène finale du film La Vie de Brian de Terry Jones quand les crucifiés entonnent en chœur « Always look on the bright side of life », que du maître d’Issenheim. Elle ne ressent pas, ne voit pas, ne palpe pas. Et donc, n’écrit pas au sens où Breton l’exigeait : « Chère imagination, ce que j’aime en toi, c’est que tu ne pardonnes pas ».

Une exception peut-être, son originale présentation de la soif, qui donne son titre au livre. J’aurais voulu, si l’ouvrage avait été plus robuste, intituler cette chronique « Il était une soif », rappeler à quel point la faim et la soif font de nous des sujets vivants, inscrits dans une chair. Hélas !

N’allons pas, selon la formule connue, cracher sur Nothomb ! Elle a produit au moins un livre de valeur, Stupeur et tremblements (1999). Regrettons que sous ses grands chapeaux, cette dame garde la tête étroite, qu’elle effleure à peine ces tourments du corps profond, qu’elle néglige la souffrance (il est vrai difficile à peindre) qui aurait pu être son projet ; et dès lors, à quoi bon ce médiocre récit ?

Monty Python, La Vie de Brian

28 réponses à “Cracher sur Nothomb ?”

  1. Avatar de dominique bargiarelli
    dominique bargiarelli

    Ce livre est effectivement sans intéret,écrit par quelqu’un n’ayant strictement aucune connaissance de l’Ecriture sinon quelque vague souvenir de son catéchisme et lorsque je vois que certains médias chrétiens lui ont accordé une telle importance les bras m’en tombent.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Oui Dominique, je crois me rappeler une réaction favorable du côté de La Croix… Puisse ce billet de blog tordre le bâton dans l’autre sens !

  2. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Daniel,
    Voilà encore un texte qui avive ma soif. Donc invitation à m’y replonger. C’est un des bonheurs pour moi du confinement : vous prenez le temps d’écrire ! Et messieurs-dames, je ne m’y ennuie pas.

    C’est agrandir le présent de passer quelques moments en votre compagnie.
    Que les passants du blog ne se méprennent pas nous nous sommes tout juste croisés, un soir, de conférence parisienne où vous interveniez. Pas vraiment la conjoncture de se dire amis. Encore que … au fil des années, il y a quelques souvenirs partagés, sur le blog.

    Je n’ai pas acheté le livre de madame Nothomb. Pas d’avantage la collection de Annie Ernaux. Je retrouverai peut-être celle-ci à notre première séance chez le coiffeur. De fait, on n’y cherche pas l’ajustement d’une paire de ciseaux , mais à travers le soin offert un renforcement de l’estime de soi ou la recherche d’un peu de jeunesse qui s’éloigne.

    Puisse ce temps à vivre ne pas trop vous peser, Cher Daniel. Prenez soin de vous ! Trop de visages connus s’effacent … Et c’est un ressenti effroyable.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Merci Cécile, mais n’allez surtout pas confondre Nothomb avec Ernaux, je place un livre comme « Les Années » cent coudées au-dessus de ceux de la dame aux chapeaux ; et j’aimerais d’ailleurs, ces temps-ci, relire cette magistrale autobiographie collective qui n’appartient à personne et à tout le monde…

  3. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Oui … Annie Ernaux avec son livre « Les années » chez Gallimard obtenait cinq prix, de diverses instances en 2008. Annie Duchesne- Ernaux a grandi à Yvetot comme mes très vieilles amies Elizabeth et Maguy, l’une d’un milieu populaire et l’autre d’un milieu bourgeois.
    Effets de miroirs pour les unes et les autres … Chroniques d’un temps révolu qui seraient oubliées sans une plume à l’écriture ciselée et l’émotion froide. Un style et du talent pour décrire les années de 1955 à 1968 et plus . Voyeurisme ou mėpris et impudeur ; pas de bienveillance pour les petites gens, dédain pour les nantis : du travail socio-biographique bien ajusté.
    Cher Daniel, vous nous ferez un article d’orfèvre sur A. Ernaux ? Peut-être, aurons- nous l’œuvre complète en édition de la pléiade. Je l’attends…

    Alors, je dépenserai mes sous pour placer le livre élégant dans notre bibliothèque. En souvenir d’une autre époque «qui n’appartient à personne et à tout le monde », à moi aussi un peu. Pour retrouver traces de l’existence d’Elizabeth, la normande et les quelques petites gens de sa ville de province.

  4. Avatar de Jean S.
    Jean S.

    On ne peut qu’approuver votre analyse.
    Mieux vaut lire la nouvelle poignante d’Arthur Koestler intitulée « Le malentendu ». Le Christ à l’agonie s’y exprime bien autrement. Cela montre toute la différence entre un écrivain et un histrion médiatique.

  5. Avatar de Marie-Françoise
    Marie-Françoise

    Entièrement d’accord avec vous, le « randonneur » !…
    J’ai acheté ce livre, l’ai lu en diagonale, et l’ai jeté à la poubelle !…
    En contrepoint, cette illustration de Jésus en croix par James Tissot :

    https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Brooklyn_Museum_-_What_Our_Lord_Saw_from_the_Cross_(Ce_que_voyait_Notre-Seigneur_sur_la_Croix)_-_James_Tissot.jpg

  6. Avatar de Brigitte Dago
    Brigitte Dago

    Que de palabres sur cet homme (Jésus) dont les pensées ont droit aux doutes. Qui de nous était à ses côtés ? Ni vous…ni moi…ni Amélie… Vous, vous croyez en ce chemin historique et divin…moi, je lis cette fable qui perture depuis 2000 ans et nous enferme dans une histoire commune dont je ne fais pas partie et Amélie nous propose de relire et de revivre librement comme elle le ressent le destin de cet homme qui, j’espère, un jour, ne sera plus un point de référence. Depuis 2000 ans…rien n’a changé…la parole possiblement douteuse s’est enfermée dans les livres et les bâtiments (églises…etc..). Je suis effarée de la violence des échanges parfois sur ce sujet. Perdez votre temps plutôt à réparer tout ce qui a été détruit en son nom… merci

  7. Avatar de Philippe
    Philippe

    Même les églises chrétiennes ne reconnaissant pas le concile de Chalcédoine (Ve s. !!!!!) n’y trouvent pas le moindre intérêt ; espérons qu’au moins ce n’est pas le cas de Mme. Nothomb et de son éditeur !

  8. Avatar de Philippe
    Philippe

    N’en déplaise à Madame Nothomb, l’enfant cent pour cent de Nazareth est bien devenu le roi sang pour sang du Golgotha ; prétendre le contraire était bien présomptueux et requerrait un minimum talent, dont Madame Nothomb n’a pas fait montre cette fois. D’autre part, quel était l’intérêt se salir des Chrétiens en salissant leur Rédempteur ? il n’est pas certain que ceux-là auront la mansuétude de Celui-ci !

  9. Avatar de Helene Dem
    Helene Dem

    Monsieur Bougnoux,

    Vous avez une compréhension limitée et erronée d’Amélie Nothomb, tant sur le plan littéraire que personnel. Vous ne l’aimez pas, ce qui n’aurait pas du influencer votre analyse de son excellent livre, qui méritait en toute objectivité, le Goncourt.
    Il y a quelque chose de pédant dans votre façon d’étaler votre « grande » culture G.

    Pourtant, et tout d’abord, ce n’est pas la douleur physique qu’elle s’attache à décrire, c’est la douleur morale.

    Ensuite, si une personne connaît la douleur et connaît la souffrance, c’est elle. Elle qui toute jeune fille a vécu le pire. Pour rappel, elle s’est guérie et sauvée seule, ce qui prouve un courage et un instinct de survie admirables.
    A ce jour, des décennies plus tard, si un être humain est encore agité par une souffrance sans borne, c’est elle, qui lutte sans relâche conte ce que l’on peut appeler l’enfer sur terre.

    Son humanisme envers l’autre, sa générosité et sa capacité d’écoute vous auront sans doute échappé: elle sauve des vies, elle sauve des âmes, elle aime l’humain. En toute humilité. En ne demandant rien en retour.

    Et cette humilité se ressent dans « Soif », tout comme son amour pour Jésus, son héros, qu’elle ne maltraite jamais. A chaque page, on sent sa foi, « intransitive », et incassable, malgré les aléas de la vie.

    Il y a quelque chose de humble et de très intelligent à n’avoir pas osé pendant des décennies, écrire ce livre. C’est comme l’immense pianiste Mitsuko Uchida qui n’a pas osé pendant des années, interpréter Beethoven et Mozart parce qu’elle doutait être prête – signe d’une intelligence , comme chez Amélie Nothomb, supérieure, et d’une capacité de compréhension du grandiose, duquel on n’ose pas s’approcher de peur de ne pas être à la hauteur. A bon entendeur.

    « Il était une soif »: allons, allons, Monsieur Bougnoux…. Amélie Nothomb n’a pas tenté ici de réadapter un conte comme par exemple elle le fit avec « Barbe Bleue » et « Riquet à la Houppe ». « Soif » ne nécessite pas un mot de plus ou de moins: c’est là l’immense force de l’écriture d’Amélie Nothomb.

    Enfin, dois-je vous rappeler que dans l’une de ses interviews, Amélie Nothomb a dit « Avez-vous l’impression que nous sommes sauvés?  »
    Quoi de plus sublime et de plus visionnaire que d’avoir écrit « Soif » l’année de l’apocalypse, l’année où le monde tel que nous le connaissons prend lentement fin, et où nous ne nous sauverons pas.

    Je vous rejoins sur un point: la vie est trop courte pour la gaspiller, et si je considère ne jamais perdre mon temps quand j’évoque Amélie Nothomb, – bien au contraire – j’ai perdu quelques précieuses minutes à vous lire.
    Mais je serai heureuse, si un jour vous écriviez à nouveau au sujet d’Amélie Nothomb, de remonter au créneau si besoin est, pour défendre cet être humain plein de bonté envers les siens, un être humain au cœur pur, à l’érudition et à l’intelligence qui ne sont plus à prouver.

    « Soif » restera dans les annales de la littérature, et Amélie Nothomb, aussi.

    Bonne continuation dans l’ère Covid.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Madame, Votre commentaire me sidère mais soit, je le valide de bon coeur, écrivant ce blog pour faire des rencontres et mettre en évidence des oppositions. Qui sont de règle en cette matière douteuse, la littérature. Je ne serai jamais d’accord avec vous sur la qualité de ce livre, que je persiste à trouver inepte, mais je ne connais pas la personnalité de Nothomb, qui vous touche si fort, et vous-même ne dites rien des épreuves qu’elle a traversées. Elle a « sauvé des vies, des âmes » ??? Je n’en savais rien, et je m’en étonne. J’espère que votre commentaire si favorable en attirera d’autres, qui m’éclaireront, et corrigeront le portrait peut flatteur que j’ai fait de cette dame.

  10. Avatar de Dana
    Dana

    Certainement beaucoup d’entre nous avons eu tort d’acheter , lire et apprécier ce livre.Et que dire des prix Goncourt, encore une gaffe/hallucination en masse.Heureusement que vous avec votre petit billet de votre petit blog, vous êtes la pour nous remettre sur le bon chemin.Avant que votre orgueil implose, ma phrase précédente était ironique .Dommage que vous soyez aussi amer en cette sainte semaine.

  11. Avatar de Helene Dem
    Helene Dem

    Monsieur Bougnoux,

    Un grand merci de votre honnêteté intellectuelle. Si vous voulez savoir ce qu’a vécu Mme Nothomb, il vous suffit de lire « Biographie de la faim ».

    Elle a par la suite, beaucoup, beaucoup plus tard, commencé à en parler plus ouvertement dans certaines interviews, assez courageusement.

    Elle dira avoir découvert à 12 ans, « la violence, la haine de soi, la haine tout court, la fatigue et le froid » , les réactions de l’entourage proche et lointain loin d’être toujours bienveillantes, puis à force de se faire culpabiliser, l’assimilation de cette culpabilité (ce qui est totalement injuste), qu’elle subit désormais au quotidien.

    J’affirme qu’elle sauve des vies et des âmes, tant sur le plan physique que moral et psychologique, parce qu’elle répond 5 heures par jour à son courrier et que la grande majorité des correspondants lui écrivent pour parler d’eux et se confier (parfois à outrance).
    Tout n’est pas léger, aérien, gai, plaisant, simple, loin s’en faut, dans les lettres reçues. Pourtant, elle ne renonce jamais et ne laisse jamais tomber l’autre.

    Nombre de fois, par ses réponses épistolaires mais également ses livres, elle a permis à des lecteurs (donc à des gens) de tenir bon, de remonter la pente, de s’estimer à nouveau, d’aller moins mal, de garder espoir et surtout la foi.

    Chaque jour, cinq jours par semaine, Amélie Nothomb s’adresse de façon personnelle aux autres – sans oublier qu’elle pense aux anniversaires, qu’elle envoie parfois des petits cadeaux, passe des coups de téléphone, et prend le temps en dédicaces, de s’adresser de façon personnelle à chacune et chacun, au-delà du temps imparti par l’éditeur.

    Aucun besoin pour elle de faire cela pour booster les ventes de ses livres. Elle ne cherche rien à booster du tout, que l’amour de l’autre: je puis vous assurer que c’est un très grand être humain.

    Une double motivation qu’elle n’a pas, c’est bien la notoriété et l’argent. On ne peut qu’être heureux de vivre de son talent, pourquoi s’en priver si on le peut? On peut ne pas aimer Amélie Nothomb sur le plan littéraire, soit (ce qui n’est pas mon cas) mais on ne peut nier le fait qu’elle est un véritable écrivain.

    Amélie Nothomb écrit parce qu’elle ne peut vivre un jour sans écrire, elle ne peut vivre sans écrire. C’est une forme d’authenticité. Elle écrirait toujours si elle ne gagnait pas sa vie avec ses livres et si elle n’était pas connue. Elle n’arrêtera jamais. Elle écrit donc 4 fois ce qu’elle publie, soit 4 livres par an et décide duquel présenter à son éditeur.

    Je vous parle de quelqu’un que je lis depuis près de 20 ans, avec qui je corresponds amicalement (sans avoir par contre, en ce qui me concerne, besoin du moindre soutien moral ou autre de sa part) et à qui je prête grande attention: une personne que je n’ai jamais rencontrée en vrai: je suis certaine que si cela arrivait, la personne décrite ci-dessus serait celle qui me ferait face alors.

    Cordialement

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      J’ignorais tout, Hélène, de cet arrière-plan, et je comprends mieux votre attachement à Amélie N. Son image grâce à vous figurera à côté de mon billet sur ces pages, et chacun prendra position. Je maintiens la mienne, sur un plan strictement littéraire (qui n’a rien à voir avec les mérites moraux ou sociaux d’un créateur), « Soif »est un livre raté (pour dire le moins) – mais on peut fréquenter les auteurs pour d’autres raisons…

  12. Avatar de Philippe
    Philippe

    Bon, au bénéfice du doute, Madame Nothomb pourra prétendre aux circonstances atténuantes !
    Il n’empêche qu’au départ c’est du « destin’ du Fils de l’homme dont il est question. De ce point de vue, son livre m’a profondément heurté, et j’ai bien compris que je ne suis pas le seul Chrétien dans ce cas, toutes « dénominations « confondues pour reprendre les termes du Pape François ; 2t ce n’est ni sa culture théologique defaillante, ni son ,talent littéraire encore plus défaillant qui lui mériteront la bienveillance de ceux qu’ont outré ses blasphèmes envers leur Rédempteur et Son Pére.

  13. Avatar de Id
    Id

    J’adhere complètement à ce que dit Hélène Dem . On ne déteste pas gratuitement les personnes que l on ne se donne la peine de connaître. C EST PAS TRÈS CHRÉTIEN TOUT CELA ! MOI après vous avoir lu je vous ai bien cerné et du coup je n ai aucune envie de vous connaître.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Quoique hébergé par La Croix, j’avoue que je ne suis pas (plus) chrétien… Quant à Amélie Nothomb, je vous répondrai, comme chante Souchon, « on n’peut pas être gentil tout l’temps / On n’peut pas aimer tous les gens ». Vous ne m’aimez pas ? Réglo !

  14. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    Id,
    Dites-nous surtout en quoi Soif d’Amélie Nothomb vous enrichit dans vos attentes personnelles.
    Nous sommes désormais nombreux à la marge d’une Église de bénitiers. Et La Croix, à travers les blogs, élargit un public en attente d’ouverture, de solidarité et d’intelligence partagées.

    Si l’écrivaine Mélanie Nothomb est à la hauteur du talent que vous lui prêtez , elle saura tirer bénéfice dans son travail à venir d’une critique sévère et argumentée.

    Pour ma part, je traduis le fait de s’emparer de la figure du Christ comme une démarche intrigante et commerciale.

    Les théologiens sont plus modestes pour évoquer l’image d’un certain Jésus dont la radicalité du message est encore à entendre et à mettre en œuvre.

    Probable que l’injonction « Ne me touche pas » au matin de Pâques doit inviter justement le chrétien à éviter de se délecter de toute fausse romance sur la personne du Christ !

    « Soif » appartient désormais au public . L’indulgence vis à vis de la personne de l’auteur Amélie Nothombjustifie-t-elle l’absence de critiques littéraires ? Je doute que Madame Fabienne Claire Nothomb, de famille aristocratique belge s’en trouverait grandie.

  15. Avatar de brin d'herbe
    brin d’herbe

    La littérature, cet empilement de mots les uns sur les autres, pourra-t-elle vraiment étancher la soif d’Amélie ?
    Combien sommes-nous à quémander ainsi quelques gouttes d’eau pure, fraîche et cristalline ?
    Nous faudra-t-il trinquer dans un dé à coudre pour tromper cette soif inextinguible qui nous étreint tous, et tenter tant bien que mal de nous désaltérer ? Quel abreuvoir choisir ? Ils se valent tous ?
    Pour ma part, les écrits des grands mystiques (et quelques autres) me donnent un peu à boire.

    Soif.
    Jésus a soif de notre amour. Pourquoi donc ne lui donne-t-on que du vinaigre ?

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Il existe toutes sortes de breuvages, qui sont bien loin de se valoir tous, au contraire ! J’ai dit ce que je pensais de la piquette d’Amélie. Mais vous , brin d’herbe, quelles sont vos ressources ? Ces « grands mystiques » ???

  16. Avatar de brin d'herbe
    brin d’herbe

    Sainte Thérèse d’Avila, Saint Jean de la Croix, Elisabeth de la Trinité, Edith stein, ces femmes et hommes mystiques dont j’ai lu quelques extraits et envoyé des bribes sur le blog D’Isabelle de Gaulmyn. Je les relis de façon irrégulière et aléatoire, puis rassasiée, je vais me promener sous la ramure des hêtres et là, ma pensée se fait louange.

    Bonne journée.

  17. Avatar de Marc-Antoine
    Marc-Antoine

    Tout ce qui est excessif est insignifiant.
    Cette critique sans nuances l’est.
    Je cherchais une critique sur ce livre. Je suis dépité de lire tant de mépris sur un site en principe catho.
    Je m’attends à recevoir une réponse d’un même ton.
    Est-ce que le temps est à la destruction et aux combats d’egos? C’est fou.
    Quand on ne comprend pas et que l’auteur est une personne qui nous surpasse en expérience et en intelligence, c’est probablement qu’il n’est pas encore temps de comprendre. Je m’englobe dans ce on.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Marc-Antoine, Le livre de Nothomb m’est sorti de l’esprit et je n’argumenterai donc pas davantage, je l’ai fait ici même suffisamment ; je me rappelle seulement mon indignation en le lisant, comment peut-on faire autant de bruit autour d’un(e) auteur(e) littérairement si médiocre ? Que ce blog soit hébergé par La Croix ne change rien à cette appréciation, un catholique (ce que je ne suis pas) peut Dieu merci détester (ou porter aux nues) ce livre, la littérature n’est pas affaire de religion, ni de foi, ses vertus sont ailleurs.

  18. Avatar de Cécile d’Eaubonne
    Cécile d’Eaubonne

    À boulets rouges entre Marc-Antoine, le catholique et Daniel, l’agnostique pour défendre la prose d’Amélie Nothomb …

    La Foi de celle-ci ? Hum …ça fait toujours des beaux papiers qui se vendent. J’ai choqué en écrivant que je n’appréciais pas le style d’Annie Ernaux où ça dégouline de “pauvretés “ de toutes sortes.

    Une tranche d’histoire des années 50-60 ? … J’en étais suffisamment. Et y vois un surcroît de mépris ou peu d’empathie sous la plume de cette écrivaine. Et certes, elle y gagne argent et place en tête des gondoles des librairies. Gagnante, n’est-ce pas ?! On lui promet le prix Nobel de littérature …

    Je viens de lire le dernier livre de Barbara Cassin. Goûteux et tonique quand “Histoire de fille” plombe tous mes élans féminins. C’est cela, Marc-Antoine, le droit à critiques et jugements : chacun y a sa place.

    Pas de la bande des “cathos”, cher Daniel ? Il y a belle lurette que notre journal est ouvert à un oecuménisme qui fait sa richesse. Et je me réjouis de votre présence dans nos lignes. J’ai éliminé d’autres abonnements ( le Monde, Le Figaro, Libération, etc … etc … ) au profit de celui à La Croix.
    Le prix pour que le journal existe. Je fais de la publicité pour faire vivre celui-ci. Soit 2 places de cinéma … ou 3/4 d’un siège dans un théâtre parisien : qu’on se le dise !

    Un journal soutenu par une communauté de pensée. Probablement … mais pourquoi redire et redire que vous n’en êtes pas. Affirmer ne pas être catho est une preuve de supériorité ? Je demande à comprendre.

    Le blog est devenu ces temps -ci un entre-soi réducteur qui me désole. Sauf à vagabonder dans quelques délires poético-philosophiques, il faut une certaine audace pour affirmer une opinion argumentée.

    Quant à vous, Daniel merci de votre contribution au journal La Croix. Catholique ou pas … Je m’y enrichis et m’en réjouis. Quelques heures encore pour clore 2020. Et rêver aux perspectives de 2021 ? J’y ajoute des vœux pour vous-même et ceux qui vous sont chers.

    Des pensées cordiales aussi aux passants de ce blog.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Vous m’aviez, Cécile, demandé d’exprimer sur ce blog mon avis concernant le livre de Cynthia Fleury « Ci-git l’amer », je viens de l’acheter, vous aurez donc ici dans quelques semaines le résultat de ma lecture, par vous provoquée ! Mais je suis pour l’heure plongé dans Woody Allen, j’espère que je ne lasse pas mes acteurs, je trouve cette oeuvre passionnante et bien digne d’être examinée un peu soigneusement.

  19. Avatar de Marc-Antoine
    Marc-Antoine

    Ce qui me dérange profondément c’est lorsque la critique vise l’auteur plus que l’oeuvre. Parler de « Nothomb » (une fois encore), sans prénom, me semble irrespectueux et dépasser la critique d’un livre. La critique a ses droits mais est-ce qu’elle fait du bien à un monde essoufflé lorsqu’elle est – à mon sens – destructrice?
    Je pense que c’est la fonction même du critique littéraire qui ne fait pas sens pour moi.
    Catho ou pas, peu importe.
    Journal tout de même un peu catho ou pas, peu importe.
    Mais si même dans un tel journal l’on attaque l’homme (la femme) ad personam, c’est triste.
    Je sais que je ne me tournerai plus vers les critiques littéraires pour me faire ma religion (si j’ose le mot).
    Bon courage à tous, c’est de ça dont nous avons besoin.

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      La critique est un débat, un tournoi nécessairement contradictoire, qui nous rappelle à que point les jugements de goût s’opposent, et dans cette opposition peuvent se fortifier en appelant des justifications, ou des développements : la critique dans cette mesure casse le narcissisme spontané ou la clôture du « goût » de chacun.

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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Les derniers commentaires

  1. Bonsoir! Est-il vraiment certain, notre maître, que le spectre n’était pas là dans ce capharnaüm où il cherchait à reposer…

  2. Incroyable cher M. comme, au dernier mot de ce commentaire, vous faites sortir le lapin du chapeau… C’est de la…

  3. Bonjour ! Un sacré billet qui me rappelle la fin de « L’homme neuronal » de Jean-Pierre Changeux, citant Spinoza (Éthique, IV).…

  4. Merci mon cher Jacque de vous adresser directement à ma chère Julia ! Je lui signale votre commentaire, car les…

  5. Lettre à Julia Bonjour ! À vous, Mademoiselle, cette épistole, écrite sur écran au fin fond d’une campagne, dans un…

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