Une réédition actualisée et augmentée de mon ouvrage La Crise de la représentation paraît demain jeudi 12 septembre en librairie (La Découverte Poche). Aux lecteurs qui suivent plus ou moins mes ruminations sur cet écran, et qui voudraient en conserver une trace plus tangible, je conseille vivement l’achat de ce petit volume : pour 11 €, le prix d’une médiocre pizza, vous tiendrez en main une synthèse robuste, et approfondie, de ce vocable qui court facilement les rédactions, où il déplore habituellement les biais de nos représentations parlementaires et sociétales. Or que dit-on, que sait-on des mille et une formes des représentations artistiques, ou encore médiatiques, qui préfigurent ou accompagnent les aventures (et les mauvaises rencontres) de nos démocraties ?
Je recopie ici ma présentation de la couverture quatre, dont l’illustration me fut suggérée par Odile, qui a pressenti combien l’image de ces mains levées portait loin dans les couches profondes de l’ouvrage ; au point d’en préfigurer la suite, que je consacrerai aux passages de la vue au toucher, ou à ce que devient une visibilité à bonne distance, mais trop générale, quand elle se plie à des contacts rapprochés et personnalisés. Notre nouvel âge, digital, ne se tient-il pas au bout de nos doigts ? Et le toucher ne nous donne-t-il pas l’expérience émouvante, irremplaçable d’une « « présence réelle » ? Evolution à suivre, et sur plusieurs plans, esthétique, médiatique, politique.
En attendant, voici l’ouverture (couverture quatre) de ce volume, suivie de sa table des matières, qui permettront à chacun de prendre la mesure d’un sujet épineux, et de s’interroger un peu au-delà des cloisonnements de la mode, ou des disciplines.
« Représenter est un verbe tellement courant que nous oublions de lier entre eux trois de ses sens majeurs : les artistes nous représentent le monde, les médias le saisissent dans son actualité, les citoyens enfin se plaignent d’être mal représentés. Le pari de ce livre est d’éclairer chacune de ces trois dimensions par les deux autres, et d’enrichir ainsi une esthétique, une théorie des médias ou une science politique trop étroites.
« Cette triple crise s’illustre par l’expression des mains levées. Que veulent ces paumes tendues vers le haut, mais peut-être aveugles ? Voter bien sûr, exprimer la singularité d’une opinion ou d’une voix, et en même temps protester de son existence, ou de sa présence : je suis là, ne m’écrasez pas comme disent les oubliés de la représentation nationale revêtus de leurs gilets fluos… Mais au-delà du vote, ces mains voudraient surtout agripper : une autre main, secourable, ou pourquoi pas un smartphone, où la communication bien nommée digitale passe par les doigts. Très en deçà, ou au-delà d’une société dite du spectacle, ces mains voudraient faire, et participer ; et elles cherchent pour cela un contact, un réseau, une relation plus charnelle qu’un simple rapport fondé sur la vue.
« Dans la nuit des grottes ornées, des hommes déjà ont signé leur présence par ces mains négatives, empreintes, contacts ou indices que la photographie a multipliés depuis jusqu’au vertige ; elle aussi a mis la représentation en crise, au profit d’une sorte de présence, et d’une communication ou d’une manifestation plus directes.
Couverture de la première édition
Table de l’édition de poche :
Prologue 5
- La présence réelle 17
L’inquiétante poussée du fond
Au théâtre, distanciation ou cruauté ?
Tendance danse
La carte et le territoire
Entrée des spectres
- On s’empare d’une scène 35
« Catharsis » et surfaces de réparation
Prosopopée du Cavalier
- Indice énergumène : le choc de la photographie 53
La photographie, coupure médiologique majeure
Le paradigme indiciel
L’instant décisif
L’immanence
Un art allographique
- Manifestation, représentation, spectacles 67
La fonction esthétique
Poétique de la manif
Il faut des spectacles à la République
Oublier Debord ?
- Une communication plus directe 81
L’impression, l’empreinte, les indices
Court-circuiter le jugement
- Une presse trop pressée 91
L’information, une valeur toujours à défendre
Direct et différé
Le sens entre sensation, signification et direction
Descriptions constatives, prescriptions performatives
La communication contre l’information
Au cœur de l’énonciation, la croyance
Le maelström de la presse en ligne
- Le toucher, l’immersion 119
Optisch/Haptisch : le regard prédateur
Irreprésentables mondes propres
Freud trop logocentrique
Perfectionner sa bulle
Sphérologie démocratique, médiologie républicaine
Liquéfactions
- Effondrements symboliques 147
L’art à l’écart du flot des news
« J’te raconte pas ! »
Dans le bocal du Loft
Glissements de la loi aux contrats
Sujets esthétiques et bataille des interprétations
Entre l’urine et la ruine
- Traversées de la terreur 171
Terrorisme et médiadépendance
Il neige sur le trauma
Dire, montrer la Shoah ?
Montrer ou faire toucher quand même
- La transition numérique : tous en scène ? 189
L’ordre du livre
Grammatiser pour recombiner
Décadrages et courts-circuits
La représentation ne suffit pas : internet et la démocratie
Bricoler, marauder
Plus dense et plus glissant
Les Gilets jaunes, ou la manifestation contre la représentation
- Pour une éthique de la représentation 211
Au nom du réel
Uniques apparitions de l’aura
Le visage
Mieux doser nos représentations
Miroir secret
Epilogue
Index des intercesseurs 229
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