Quels mots pour l’écologie ?

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Bruno Latour (avec Nikolaj Schultz) vient de consacrer un bref ouvrage à une question qui ne pourra que retentir en cette période d’élections présidentielles, pourquoi l’écologie politique réussit-elle à la fois « l’exploit de paniquer les esprits et de les faire baîller d’ennui » (Mémo sur la nouvelle classe écologique, Les empêcheurs de penser en rond,page 47) ?

Cette « classe écologique » est en effet devenue dominante, non seulement en puissance martèlent nos auteurs, mais en acte si l’on considère moins le nombre d’adhérents à un parti, ou d’électeurs de Yannick Jadot, que la foule d’actions locales, de coordinations ou d’initiatives citoyennes qui partout s’affairent à retarder le divorce (ou à combler l’écart) entre le monde dont on vit et le monde où l’on vit. Le grand enjeu est en effet de faire que cette Terre demeure habitable. Or il semble évident, assure Latour, que dans les mentalités ou les sensibilités le tournant a bien eu lieu, « un grand retournement » (chapitre III) ou une prise de conscience irréversible, mais avec quels effets tangibles, quelle convergence des luttes ou quelle émergence d’un mouvement politique qui soit à la hauteur de la tâche, et prenne celle-ci à bras-le-corps ? Ce mouvement se fait attendre, la conscience n’entraîne pas, ou peine à mobiliser durablement les masses ; la bataille pour l’écologie se joue en ordre dispersé, son urgence n’est pas évidente,  je sais bien… mais quand même semble, in petto, soupirer chacun.

Pourquoi tant de négligence quand les dangers frappent à notre porte, quand leurs signaux chaque jour se multiplient ? Nos deux auteurs s’attaquent donc, avec ce petit livre, à une question elle-même négligée par les organisations : l’écologie, trop jeune peut-être, n’a pas (encore ?) su trouver les mots, elle peine à frapper ou à entraîner les imaginations ; obnubilée par la nature, n’aurait-elle pas sous-estimé les luttes dans la culture, la bataille des idées et des sensibilités, le temps long de la formation du goût et des mentalités ?…

Considérons, plaide Latour, la gestation de la Révolution française et tout le travail des Lumières, des salons, des romanciers et des philosophes qui, en amont de celle-ci, ont permis à une majorité de Français de voir en pleine lumière le scandale d’un pouvoir occupé par une classe improductive, tandis que les forces vives de la nation, ou le pays réel, étaient reléguées dans la servitude et l’effacement… Travail de culture, sur le langage ou sur les imaginaires, travail de façonnage ou de mise à niveau des représentations. « La lutte des idées précède donc de beaucoup le processus électoral » (page 74). Or combien de grandes œuvres d’art, de séries télévisées, de chansons ou de romans pouvons-nous citer qui se réclament de la cause écologique ou la font aujourd’hui avancer ? En bref, argumentent nos auteurs, il manque à ce mouvement ou à cette cause, encore trop diffus, une rhétorique doublée d’une esthétique, capables de capter les rêves ou les désirs qui sont le vrai moteur et le nerf de la mobilisation.

Mais les exemples tirés des révolutions précédentes éclairent peu, tellement notre conjoncture est différente, voire opposée. « En avant ! », proposaient la Révolution française mais aussi bolchevique, tendues vers la libération des forces productives ; « en arrière toute », aurait plutôt tendance à afficher le mouvement ou la mobilisation écologique (page 28). La production, qui fit les beaux jours des générations précédentes, et en particulier de nos « trente glorieuses », s’est aujourd’hui ou dans le nouveau paradigme retournée en destruction. Ce qui semblait jadis un bien inconditionnel s’est changé en mal radical, le désirable est devenu repoussoir, quel bouleversement dans nos repères !

Il est indéniable que les injonctions venues de l’écologie ont quelque chose de punitif, rapportées au modèle précédent. Less is more nous répètent ses prophètes, commencez par restreindre vos appétits, vos désirs, vos envies – pour vivre mieux, en ménageant la vie de tous les autres vivants qui conspirent à la nôtre… Mais les imaginaires peuvent-ils spontanément se régler sur une injonction perçue comme négative ? C’est tout le problème, on le sait, des campagnes de prévention : « Défense de fumer », ou « Fumer nuit gravement à votre santé »…, ces slogans (éventuellement assortis d’images gore) n’auront qu’un faible impact sur la consommation d’un accro du tabac ; notre inconscient n’enregistre pas l’idée de limite, il n’est pas sensible à la négation, dira le psychanalyste. Il convient donc, pour tourner cette difficulté bien connue des médecins ou en général des éducateurs, de donner au même message une forme positive, « Prenez la vie à pleins poumons ! »…

Une difficulté connexe concerne l’idée de développement, un horizon qui allait de soi jadis, mais que notre nouveau monde remplace par l’impératif d’enveloppement (page 30) : ce que nous produisons ne doit pas, au nom de l’enrichissement, détruire le milieu qui soutient et recycle nos précieuses ressources. Toute production doit donc veiller à ne pas léser ou détruire l’écosystème nourricier dans lequel nous puisons, mais calculer au plus juste la balance des profits et des coûts, en tenant compte de toutes les « externalités négatives », le plus souvent cachées ou absentes dans l’ancien mode de production et de calcul de la « croissance ». L’écologie à cet égard, c’est l’économie au sens large, une éco-nomie (une « loi de la maison ») plus sensible ou attentive aux paramètres invisibles de nos actions. Cette formule permet de replacer le nouveau paradigme dans le sillage de l’ancien, il s’agit toujours d’une rationalité qui procède par le calcul des bénéfices et des pertes. Et la classe écologique, si disparate soit-elle, reprend bien, en les amplifiant, les luttes de la gauche émancipatrice. Mais cette discrète continuité de l’économie à l’écologie, en élargissant notre capacité de calcul, affronte tout de même un défi difficile, celui de mieux penser cette obscure notion de milieu, avec sa déroutante topologie, ses boucles étranges et ses interdépendances. J’avais moi-même, participant au comité de rédaction de notre revue Médium (dirigée par Régis Debray) rappelé que ce titre désignait ou appelait un changement de paradigme, proprement écologique, mais mes camarades n’ont pas souhaité orienter notre curiosité vers de tels parages…

L’interdépendance pourtant constitue un défi (et un horizon stimulant) pour la pensée, mais cela heurte une idée spontanée ou primaire que chacun nourrit, in petto, de son individualité, voire de sa liberté. Sur ce point encore, l’écologie propose donc d’en rabattre : il n’est pas a priori enthousiasmant de tenir le compte de nos dépendances, ou d’examiner d’un peu près quels sont, en nous et autour de nous, ces liens qui libèrent… (page 43).

La nature en d’autres termes, puisque nous en dépendons, n’est pas l’objet dont nous pourrions, selon l’illustre formule de Descartes, nous rendre « comme maîtres et possesseurs », mais plutôt l’archi-sujet (tel qu’il n’en est pas de plus grand) qui toujours nous tient et nous possède. Une certaine blessure narcissique, la quatrième si nous suivons la trilogie bien connue posée par Freud de nos successifs décentrements (avec Copernic du centre de l’univers, avec Darwin d’une filiation divine ou créationniste, avec la psychanalyse qui nous déloge du magistère de la conscience), fait reculer notre prétention à dominer la nature, et ce réencastrement, pour citer un mot qui revient dans ce livre, ne nous flatte pas.

Le centre d’ailleurs, et beaucoup de réflexes ou d’attitudes venus d’une pensée centralisatrice, se trouvent malmenés par le nouveau paradigme, qui invite à passer par les marges, et à explorer la périphérie. L’écologie politique peine à s’organiser parce qu’elle n’est, pas plus que ses objets d’étude ou de soins, centralisante. Nous avons évoqué la dispersion des initiatives qui font à la fois la richesse et la moindre visibilité de ce mouvement, ou de cette mouvance ; mais c’est que rien, dans une logique du milieu, n’agit de façon linéaire, et la relation des causes et des effets y est elle-même complexe, ou aléatoire, grevée de quantités de conditions qui s’opposent à l’action droite, et à de sûres prédictions. Entrer en écologie, c’est marcher sur un sol qui se dérobe ou s’effrite sans cesse.

Mais revenons à la distinction princeps qui ouvre ce livre, l’écart urgent à combler entre le monde dont on vit et le monde où l’on vit. Tant que ces deux mondes demeurent étrangers ou distants, il nous semble loisible d’exploiter, de piller, d’extraire à tout va : le fond des mers avec la surpêche, les métaux ou les terres rares en Afrique, que nous sont ces anciennes colonies, ces peuples oubliés ? Sur lesquels nous déversons au passage les excréments de notre croissance, les tonnes de nos déchets… Un Trump, un Bolsonaro de même n’ont que faire de l’urgence climatique, ils n’habitent pas apparemment ce même monde que la déforestation ou la surconsommation menacent de rendre bientôt irrespirable. Faire coïncider ces deux mondes, n’en habiter qu’un seul, en sachant à quel point il est fragile et en voie d’épuisement, c’est remembrer l’espace et prendre le parti du commun, ou d’une communauté globale que l’individualisme consumériste ne cesse d’émietter. Car, que cela nous plaise ou non, nous sommes embarqués dans le même bateau. Sans embarcation B, ni astronef d’évacuation.

Or ce qui vaut pour l’espace, exigu, périssable de nos existences, vaut aussi pour le temps. Au nom de notre sacro-sainte croissance, nous ne pillons pas seulement des ressources extérieures qui ne nous appartiennent pas de droit, mais nous dévastons du même coup, allègrement, le futur de nos enfants. Sur ce point aussi un « grand retournement » s’opère, qui brouille les frontières générationnelles ou les cartes des classes et de traditionnelles affiliations ; jadis les parents préparaient l’avenir de leurs enfants, qui recevaient d’eux un héritage précieux pour leur propre développement ; aujourd’hui ou demain, de quoi sera fait cet héritage ? Terre dévastée, biodiversité saccagée, épuisement des ressources au profit de bénéfices de court terme, réservés à quelques générations… Les boomers devraient avoir honte !

C’est, au fond, ce terme même de « ressources » qui fait difficulté, tellement nous croyons, étourdiment, qu’elles sont inépuisables. Toute la réflexion engagée par ce petit livre voudrait au contraire remplacer l’idée de ressource par celle d’habitabilité. La grande affaire n’est pas de changer ce monde, disait à peu près Camus dans son discours de Stockholm, mais d’empêcher qu’il ne se défasse ; pas d’apporter aux menaces climatiques ou aux pollutions de tous ordres le remède d’une course en avant technologique (pour combattre les maux, faire plus de la même chose), mais de comprendre où sont nos équilibres, et les limites à ne pas dépasser. « La classe écologique est celle qui prend en charge la question de l’habitabilité » (page 33). Et la prospérité qui en est la conséquence.

« Habiter le monde », ce programme qui n’a l’air de rien renverse ou corrige beaucoup de nos routines et de nos préjugés. Revenir à l’oikos, à cette maison qui donne sa racine aux termes d’économie, d’écologie, où nous entendons désormais un logis. Plût au ciel que l’homme, comme l’affirmait Hölderlin, « habite en poète sur cette terre » !… Habiter ce n’est pas dominer, exploiter ni régner, mais (d’une expression sur laquelle nous reviendrons dans les billets à venir) faire avec. Ce n’est pas s’extraire ni planer au-dessus des autres vivants, mais composer avec eux. Au moins comprenons-nous, à la lecture de ce petit livre, que l’écologie n’est pas un programme parmi d’autres, mais une révolution de pensée et d’attitudes dans tellement de domaines qu’on se demande comment notre monde, façonné par les impératifs de production, de consommation et de concurrence pourra l’accueillir. Il ne s’agit pas, avec l’écologie, d’opérer une transition (terme qualifié de « charmant euphémisme » page 31) mais un total, un violent renversement. Comment mieux inculquer de pareilles solidarités ? Comment, aux yeux de nos concitoyens, rendre aimable et entraînante une telle subversion de la plupart de nos valeurs ?

À moins face à cette course à l’abîme d’admettre (autre formule du poète Hölderlin décriée page 49 mais souvent citée par Edgar Morin, et que je crois juste), que « là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » ?

8 réponses à “Quels mots pour l’écologie ?”

  1. Avatar de Kalmia
    Kalmia

    Bonjour!

    La citation finale du billet (Hölderlin) nous la trouvons, en effet dans la Connaissance de la connaissance Tome 3 de La Méthode (Edgar Morin)

    Gaston Bachelard est aussi cité en tel ouvrage pour dire la nécessité d’aller du côté où la raison aime à se mettre en danger.

    Un autre à dû dire, je crois :  » là où l’on croit ce qui sauve, croît un nouveau danger…  »

    Foin de citations! Revenons plutôt à notre écologie, celle de Monsieur Latour, ici proposée, et que nous avions déjà lue dans « La Croix / L’Hebdo » du 7 février 2020 en forme de conversation : « Nous devons savoir à quoi nous tenons ».

    Monsieur Latour parle bien, et son métier est d’écrire des livres. Dans les années soixante, à ma connaissance, on ne l’a pas entendu, comme tant d’autres intellectuels de sa génération, pour défendre les paysans, le paysage et le pays. Lui aussi a laissé faire « la machine à progrès » vidant les campagnes de sa force d’âme pour en arriver là où nous en sommes.

    Ce philosophe catholique nous parle sur le papier de conversion écologique avec, au tréfonds de son être, quelques trémolos de « Laudato si ».

    Pourquoi pas?

    Et Régis Debray, page 446 de sa « Critique de la raison politique » réfléchit sur notre rapport à la terre, en citant Michel Serres, Jean Giono et Max Weber. Pourquoi pas?

    Mais pour quoi faire, à part des livres?

    Paul Soriano, de la rédaction de la revue « Médium » qui connaît les animaux et leurs esprits sans doute, avait beaucoup apprécié, un jour, ces mots venus du fin fond de la campagne française : « je suis allé voir aux bêtes »

    Mais où sont les gardiens, aujourd’hui, dans les fermes modernisées où l’on surveille les vaches concentrées dans les stabulations, à partir d’une caméra dans sa chambre à coucher?

    Au petit matin, je pense à une autre question plutôt « platonicienne » :

    Quis custodiet ipsos custodes ?

    Un signe « intellectuel » qui ne suffit pas…Quelque chose d’infime, c’est certain.

    Et qui ne changera rien.

    Bonne journée… avec dans la bouche une rose.

    Puisqu’elle est sans pourquoi.

    Kalmia

  2. Avatar de Jacques
    Jacques

    Bonsoir!

    Pas très poétique, mon pauvre commentaire! Et sans rose dans la bouche je propose un mot au titre de ce billet.

    Ce mot est un verbe et je l’ai découvert dans une réponse de Bruno Latour, page 14 de la revue précédemment mentionnée par Kalmia.
    Je lis : « En réalité, « atterrir » devient le verbe qui définit notre époque. Atterrir, c’est faire rentrer le global sur la terre. »

    C’est encore le mot-clé que l’on trouve dans la conclusion du livre d’une universitaire qui a travaillé les écritures.

    Comme par hasard, je l’ai relu ce verbe, à la fin d’une dictée proposée récemment dans un commentaire de ce blogue, qui nous invite à redescendre sur terre!

    Des mots rien que des mots, toujours des mots…Avec eux, du moins, la chute sera plus douce.

    Jacques

  3. Avatar de D.H.47
    D.H.47

    Votre recension, cher Daniel Bougnoux, du  »Mémo » » de B. Latour et N. Schultz est très complète et nuancée; permettez moi de vous rejoindre à ma façon dans votre approbation et soutien des positions exposées.
    Il y a un ton nouveau dans ce Mémo qui tranche avec tous les textes qui l’ont précédé (même si Latour a toujours répugné à euphémiser ses idées). En effet ce livre, par son fond et son style, est beaucoup plus radical, révolutionnaire…J’irai même jusqu’à écrire  »totalitaire », si ce mot n’avait un lourd passif dans notre histoire contemporaine au point de justifier, encore et toujours, notre méfiance et notre vigilance. Je reprends quelques exemples trouvés dans les chapitres N°
    5:  »Tout doit radicalement changer… »
    6:  »Parler de classe, c’est donc toujours se mettre en ordre de bataille… »
    8:  »refus général d’autonomiser l’économie aux dépens des sociétés… »
    8:  »La classe écologique est bien de gauche, et même au carré… »
    14:  »Système de production = système de destruction… »
    15:  »Les militants écologistes sont maintenant plus nombreux à se faire assassiner que les syndicalistes… »
    19… »Le charmant euphémisme de  »transition » souligne aussi mal que possible ce qui est bel et bien un violent renversement… »
    21:  »La classe écologique est en conflit avec les anciennes classes… »
    37:  »Convergence des luttes…bien plus radicale et bien plus révolutionnaire que celles que visaient la prise en main du seul du seul système de production… »
    42:  »Alliés naturels: les prolétaires, les féministes, les post-coloniaux, les peuples autochtones (§43).
    45:  »Autres alliés naturels: les universitaires, chercheurs, activistes, militants, citoyens ordinaires, paysans, jardiniers…etc
    46:  »(Autres alliés naturels): les religions et tous ceux qui travaillent, rituel après rituel, pour que le  »cri de la Terre et des Pauvres » selon la belle expression de François, soit enfin entendu… »
    50:  »C’est à chaque fois toute la culture qu’il faut s’efforcer de brasser… »
    52:  »Poésie, cinéma, roman, architecture, rien ne doit lui être étranger… »
    53:  »Après les humanités, la lutte pour les idées doit se poursuivre jusque dans la fabrication des faits…Vérifier comment ces faits ont été plus ou moins bien cuisinés (humanités scientifiques) .
    °°°°°°°°°°
    Peut-être y-a-t-il deux causes accessoires à ce radicalisme que l’on doit – dans des proportions écrasantes – aux rapports du GIEC qui sonnent l’alarme de plus en plus fortement…
    – La première, constituée par des critiques (formulées le plus souvent par l’extrême-gauche ?); celles-ci attendent depuis longtemps des positions partisannes plus précises et plus agressives de la part de LATOUR (ex. : Guillaume ERNER dans CHARLIE HEBDO du 24/02/2021) ,
    – La seconde, résultant d’un  »style tardif » (je m’inspire ici des analyses d’Antoine COMPAGNON dans le domaine de la littérature). Si lorsqu’on est jeune on a tout à gagner, lorsqu’on est plus âgé et susceptible de connaître des problèmes de santé…On a plus rien à perdre et on jette ce qui vous reste de forces dans les derniers combats .
    Sortant du colloque des 7 et 8 Janvier qui s’est tenu en SORBONNE et encore habité par les turpitudes du wokisme, je risquerai à propos du  »changement de cosmologie » (§51) opéré par LATOUR quelques fortes expressions : radicalisme intersectionnel, écologie radicale se voulant  »clé de voûte » et  »dernière instance » explicatives de la totalité .
    Mais au point où en est Bruno LATOUR et où nous en sommes avec lui, y avait-il une alternative à ce style prophétique ? (N’en déplaise, peut-être, à Guillaume ERNER !) …
    D.H.47

  4. Avatar de M
    M

    A DH 47, ce martien descendu sur terre de la région d’Eurêka!

    Eh bien, cher DH 47 vous m’en mettez plein la vue et pour tout vous dire, je vous en veux un tantinet!

    Au lieu d’aller rejoindre Morphée, tout heureux de faire de beaux rêves de « prospérité et d’enveloppement » après avoir fait ma prière du soir, celle bien sûr, qui consiste à se remémorer les versets du mémorandum de notre bon prélat et de son jeune novice, vous m’incitez, cher martien, à aller rouvrir, dès potron-minet « Totalité et Infini » de notre cher Emmanuel!

    Franchement, est-ce bien raisonnable de faire danser ainsi les neurones ensuqués d’un pauvre terrien pour l’empêcher de dormir sur ses deux oreilles, palsambleu?

    Bon, j’en ferai la remarque à Monsieur notre Maître qui a la bonté de vous accepter ici-bas et vous invite, si votre engin interplanétaire peut faire le voyage, à venir manger une bonne soupe chaude, à la maison.

    Affaire classée, n’est-ce pas?

    Recevez, cher extra-terrestre visiteur, DH 47, les salutations sincères de votre lecteur sédentaire, du fin fond de la dolce France, si tant est qu’elle existât encore…

    M

  5. Avatar de m
    m

    Bonsoir!

    J’ai parlé de cette application à des amis de la ville et de la campagne.
    Voici leurs réponses :

    « Tout ce qui est « appli » est pour moi un bon moyen de ficher le populo.
    Le dernier exemple en date est celui du QR code mais on a même trouvé mieux
    en inventant la puce sous cutanée permettant de ne plus montrer son Q au passage.
    Elle est opérationnelle, elle coûte 100 euros, certains seront encore assez c.. pour se la faire implanter.
    A une certaine époque on tatouait les personnes qui n’étaient pas dans la ligne préétablie par le diktat.
    Nous y revenons à grands pas, pas le droit au resto, aux voyages ou vacances sans le sésame,
    bien sûr, il n’est pas question de se priver de loisirs, alors on passe par le couloir de contention.
    A ce sujet le reportage sur les chinois « hyper connectés » d’avant hier sur LCP est édifiant.
    L’appli Elyse, je ne connaissais pas, j’ai donc regardé ce que c’était.
    Quel intérêt peut elle représenter ? Je n’en sais strictement rien et je ne vais même pas approfondir la chose.
    Je pense que ce qu’on y trouvera sera du même genre que les blatérassions de la Télé.
    Si ce n’était le dos et les douleurs intercostales tout irait pour le mieux mais il faut faire avec et se dire,
    comme Pierre Dac, que notre avenir est évidemment devant nous mais qu’il ne faut surtout pas se retourner. »

    *

    « Du moment que l’app ne me dit pas quoi penser, je ne vois pas de problème à l’existence d’un outil d’information. »

    *
    « L’appli peut peut être embarquer des gens dans la politique… cependant elle est basée sur des questions posées au fil de l’eau qui proviennent des programmes des candidats…ce qui biaise le résultat car on ne répond pas à tout…
    De plus, il serait plus sérieux de tenir compte de l’importance de certains domaines par rapport à d’autres.
    Enfin, la meilleure approche serait de revoir le système du vote de nos élus : vote avec consentement systémique, obligatoire et tenant compte du vote blanc…sans cela les gens n’iront pas voter plus facilement. »
    Fin de citations
    *

    Parmi toutes les personnes candidates en lice pour la prochaine élection élyséenne, il en est une seule que j’ai rencontrée en vrai, voire approchée de quelques coudées, au fin fond de la campagne française. Et alors…Suis-je certain de mieux la connaître?

    « La division classique qui sépare la théorie de son application ignore cette nécessité d’incorporer les conditions de l’application dans l’essence de la théorie. […] C’est alors qu’on s’aperçut que la science réalise ses objets sans jamais les trouver tout faits. » (Gaston Bachelard)

    Pour ceux que cela intéresse, je propose ce lien, à toutes fins utiles :
    « Conférence Bachelard Cerisy – HAL-SHShttps://halshs.archives-ouvertes.fr › documDF
    de J Grange · 2015 · Cité 2 fois — 223). Le modèle de l’invention technique est l’instrument scientifique qui n’est pas l’application d’une connaissance »

    Un jeu du possible pour mieux « se connaître et se re-connaître »

    Bien à vous tous

    m

  6. Avatar de DH47
    DH47

    A l’excellent compte-rendu de Daniel Bougnoux intitulé : « quels mots pour l’écologie? », j’avais ajouté, le 5 Février, mon interprétation soulignant le caractère révolutionnaire, radical, quasi-totalitaire de ce « Mémo sur la nouvelle classe écologique » lequel tranchait avec tous les textes précédents de Bruno Latour.
    Le hasard a voulu que je tombe, hier, sur un entretien du 2 Mars dernier entre Latour et Jean-Louis Missika publié par le podcast de Terra Nova: « La Grande Conversation ». Ô surprise ! J’y ai perçu une évolution sémantique non négligeable et qui ne peut qu’interpeller tout lecteur du « Mémo » et du Randonneur .
    Ma contribution du 5 Février recensait ad nauseam – parce que trop longue – 15 phrases extraites des 76 courts chapitres du « Mémo » : toutes illustraient, à mon sens, le radicalisme et la démarche révolutionnaire de Latour et Schultz.
    Quels nouveaux mots pouvons-nous lire ou entendre, aujourd’hui, dans l’entretien avec Jean-Louis Missika intitulé: « L’avenir de l’écologie politique »? J’interprète ceux-ci, assurément, comme une atténuation, une modération de la virulence du « Mémo » qui avait précédé cet entretien du 2 Mars.
    Question de J-L M. : « De façon sous-jacente dans votre Mémo, il y a l’idée qu’il faut faire une sorte de révolution politique (…) En Allemagne, il n’y a pas eu de changement de classe dirigeante, mais un simple changement de coalition. La voie réformiste n’est-elle pas préférable ? »
    B.L. : « Mais il n’y a rien de révolutionnaire dans notre Mémo (…) On va avoir des conflits très intéressants sur l’énergie, les transports, la consommation,etc., comme il y en a eu dans les années d’après-guerre. Donc on reste dans la politique. Et même dans une politique très classique avec une relève qui vient de l’opposition (…).
    Et Latour de conclure sa réponse de façon on ne peut plus claire :  » Le problème fondamental n’est pas la révolution. Il faut en finir avec cette conception religieuse de la politique, avec cette idée que la pureté politique réclame une transformation radicale. On ne peut pas réduire la question écologique à la révolution, parce qu’elle est trop dispersée, trop multiple.Elle s’adresse à trop de gens différents. Elle est trop conflictuelle et elle ne peut pas s’unifier dans cette espèce de grand récit révolutionnaire, alors même qu’elle est très radicale, parce qu’elle change de paradigme. »
    Pouvons-nous trouver une raison qui motiverait ce changement de pied dans la description de l’avenir de l’écologie politique ?
    Pour ma part je n’en trouve aucune; sinon la prise en compte, peut-être, par Latour , des réactions aux 76 questions posées dans son Mémo, réactions qu’il appelait de ses voeux quand il disait à ses lecteurs en les pointant du doigt : « au travail ! ».
    C’est ce que n’ont pas manqué de faire tant Le randonneur que ses fidèles dans leurs contributions respectives !

  7. Avatar de 1011-art
    1011-art

    Je ne trouve pas les mots, alors je dessine ! Petit commentaire sous forme de dessin donc « La robe de Médée » : https://1011-art.blogspot.com/p/la-robe-de-medee.html, série réalisée pour le Muséum de Genève pour l’exposition « tout contre la Terre », ainsi que « Vous êtes ici » : https://1011-art.blogspot.com/p/vous-etes-ici.html.

  8. Avatar de Jacques
    Jacques

    Bonjour!

    Des mots, une longue et pertinente réflexion plus la robe de la tragédie exposée, c’est forcément intéressant tout cela!

    DH 47 et 1011-art font ici du bon boulot, du travail de riches que Mme Laurence Gervot-Rostaing quelque part du côté de Grenoble ne pourrait qu’apprécier.

    Monsieur J-L M nous parle maintenant d’illusion écologique, comme au début des années septante, François de Closets au nom de l’avenir nous mettait en garde contre les dangers des illusions technique et idéologique.

    Et maintenant, toujours la même question, Messieurs Dames : Quid de l’espérance des pauvres?

    Il fut un temps où Monsieur J-L M analysait le pouvoir intellectuel en France et reprochait à Régis Debray de confondre les médias et leur public en insinuant que le medium contrôle et manipule complètement son public.

    Pouvaient-ils imaginer Messieurs Missika et Wolton qu’au fin fond des campagnes de France et de Navarre, on pouvait encore résister aux médias et porter la robe de Médée sans pour autant en mourir?

    C’est à Régis Debray de leur répondre aujourd’hui, lui qui en connaît un rayon sur la folle du logis.

    « Au travail » certes! On sait ce que cela veut dire quand le mot d’ordre est lancé d’un bureau d’une maison d’éditions ou d’un plateau de télévision. On sait moins ou pas du tout du travail de ceux qui « font la nature » sans se laisser influencer par des milliers de gens qui vendent des outils et qui ne s’en servent pas.

    Bien cordialement à vous tous, à cette heure avancée.

    Jacques

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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