Combattre la démesure ?

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Le club ou le mouvement convivialiste, sous l’impulsion d’Alain Caillé et de Marc Humbert et dont j’ai présenté ici quelques thèses ou propositions en septembre dernier, se consacre notamment à dénoncer l’hubris qui infecte nos rapports sociaux ; en lutte contre cette hypertrophie dans tous les domaines, ils ont même mis en circulation un pin’s portant le sigle Ah, « anti-hubris » (mais aussi « une autre humanité »), qui serve de signe de ralliement entre ceux qui partagent ce combat, ou ce haut-le-cœur.

La démesure (traduction du vocable grec hubris par lequel les dramaturges, Sophocle particulièrement, pointaient et stigmatisaient dans leurs pièces le ressort tragique par excellence) n’a pas fini de nous empoisonner la vie ; la question de savoir comment la combattre est donc au cœur de la lutte pour un monde plus équitable, ou mesuré. Fort bien, mais par où prendre le problème ? Par où commencer, contre elle, d’agir avec un minimum d’efficacité ?

Le « propre de l’homme », expression bien connue des philosophes mais spécialement problématique, semble en effet, contrairement aux espèces animales, de ne pas disposer de mesure, ni de monde justement propre, offert d’avance avec évidence à ses ébats. L’animal vient au monde rivé à son piquet, programmé par sa niche ou son biotope. L’homme inversement fait venir le monde à lui, le bipède sans plumes n’a de cesse de transformer, de corriger son environnement, de l’adapter, le piller ou en disposer comme « maître et possesseur ». Et dès lors comment ne pas aller trop loin ? 

Ce titre d’un roman hilarant et tendre de David Lodge, How far can we go ?, désigne dans son intrigue la question angoissée que les jeunes catholiques, au cours des années cinquante ou avant la généralisation des contraceptifs, posaient à leur confesseur au sujet des premières relations de flirt. Que veut dire chasteté, décence ou pureté, vertus obligatoires dans le cadre de la foi religieuse, et où passe exactement la frontière ? Ces questions reprises par le romancier nous font sourire car elles relèvent d’un monde ancien, disparu avec les années soixante, un monde dans lequel, affirme vigoureusement David Lodge, les chrétiens croyaient encore à l’enfer. Cette perte de l’enfer constituant peut-être l’un des plus grands événements (silencieux, inaperçu) de notre vingtième siècle !

How far can we go ? Dans un tout autre contexte que celui des perplexités soulevées par le sexe, cette question taraudante se pose plus que jamais, à nous qui devons rééquilibrer de façon décisive des comportements impossibles à tolérer plus longtemps face aux menaces planétaires du réchauffement, de la disparition des espèces, des inégalités criantes et en croissance accélérée entre les riches et les laissés-pour-compte de cette course aveugle  (abeilles, éléphants, migrants, chômeurs ou abonnés aux restaus du cœur…) : jusqu’où est-il permis d’être riche ? D’aller vite ou loin ? D’être obèse ? De trop chérir notre égo ? D’écraser les autres, toutes sortes d’autres ? De sacrifier à notre « développement personnel » celui de nos congénères et de nos prochains ?

Est-ce le sens de la trop célèbre formule empruntée à Protagoras pour dissertations de philo, « l’homme est la mesure de toutes choses » ? L’homme est cet animal qui cherche sa mesure ; ou qui, pour le meilleur et le pire, ne prend pas le monde tel qu’il vient, tel qu’il est. Sapiens et faber, il n’a de cesse de le transformer, de le critiquer, de le dé-naturer pour lui imprimer sa marque, ses buts, ses lubies ou ses rythmes. Il corrige le présent, au double sens du cadeau et de ce qui arrive ici et maintenant, au nom d’un idéal, d’un projet, d’un futur indéfiniment à venir, ou au contraire d’un regret, d’une nostalgie, d’un torturant sentiment de perte ou d’inachèvement : viscéralement incomplet, homo est l’animal qui, fier de son esprit ou de ses représentations, s’oppose au cours physique du monde tel qu’il irait sans lui.

D’où, autre terme grec remis en circulation par les convivialistes, la pléonexie qui désigne, chez Aristote, l’acquisition compulsive de richesse, ou la crainte insatiable d’en manquer. À partir de quel seuil devient-on trop riche ? La question ne se pose pas, ou ferait sourire ceux pour qui (Carlos Ghosn, Bill Gates ou François Pinault) on ne l’est jamais assez : ceux dont la richesse n’a pas pour raison la couverture d’un besoin (borné par la nature), mais un désir, inassouvissable : celui d’en avoir plus que le voisin, plus que (à notre époque de visibilité planétaire) n’importe quel voisin ! 

Passé un certain seuil, qui correspond à la satiété, poursuivre l’enrichissement ou la course à la taille, à l’importance, à la gloire ou au bruit qu’on fait dans le monde relève en effet non d’une pression physique mais d’un désir tout imaginaire, et comme tel sans mesure : les hommes se comparent, et de ces incessantes comparaisons (bien attestées dès le berceau) naît le désir d’avoir toujours plus. Et le capitalisme est justement ce mouvement ou cette invention qui, en déliant la valeur d’usage de la valeur d’échange, nous précipite vers ce gouffre.

Quelle est ma place dans ce monde ? Ma juste place ou ma mesure ? Cette question d’une morale élémentaire se pose plus que jamais, et elle a d’importantes conséquences pour le comportement de chacun. Mais il ne suffit pas de la rappeler, ou philosophiquement d’y réfléchir, de l’enseigner ; il conviendrait plus vigoureusement d’élaborer des modes de dénonciation, ou de stigmatisation, vis-à-vis des très riches, ou de ceux qui font litière, avec une bonne conscience par trop envahissante, du bien commun. Comment lutter contre l’hubris en général, l’hubris dans tous les domaines ? En donnant soi-même dans ses comportements, ses choix de consommation, de loisir ou de développement un exemple de mesure, d’accord minimal ou de convivialité avec le monde des autres : « Mène ta vie de telle sorte qu’elle n’empiète pas exagérément sur celle des autres, de tous les autres », pourrait être une maxime provisoire. Provisoire car chacun demandera aussitôt où commence l’exagération, how far can we go ? Mais nous pourrons produire aussi, à l’appui de cette règle de conduite, quelques illustrations négatives évidentes. Et notre pédagogie de la sobriété, en tous domaines, pourra s’appuyer sur quelques images.

Celle qui illustre ce billet a été mise en circulation (je ne sais plus par qui) dans notre cercle convivialiste, et elle dit beaucoup. À quoi vous fait penser ce vaisseau de croisière stationné en plein Venise, face au Danieli ? Pour ma part, je ne regarde pas cette image sans effroi, ni indignation. Surtout si je pense aux croisières Costa, dont un bâtiment s’est retrouvé sur le flanc au large des côtes italiennes, entraînant quelques noyades et la fuite de son capitaine. Qu’entraînerait, là où il se trouve, la dérive de ce monstre ? Sa coque fracasserait toute la pointe de la Dogana, ou le quai des Esclavons qu’elle disperserait en fétus parmi la lagune. La disproportion criante entre le savoir-faire, la culture, les trésors d’ingéniosité et de raffinement accumulés dans ce lieu ou désignés par ce vocable, Venise, et la brutalité de cette forteresse flottante m’arrache un haut-le-cœur, et fait craindre le pire.

Mais, dira-t-on, vous empêchez à ce compte de paisibles touristes, venus du monde entier, de jouir à leur tour de cette merveille baptisée la Sérénissime ? Je sais, il n’y a pas de Chinois, ou de Péruvien, qui n’y ait droit tôt ou tard, la vocation du tourisme n’est-elle pas de rendre ces trésors accessibles au plus grand nombre, au risque de les défigurer ? De sorte qu’un jour (prochain ?) il faudra appliquer à l’entrée dans Venise des quotas, ou pire la visite d’un double artefact, comme pour Lascaux ou la grotte Chauvet…

Nous n’en sommes pas là ? Je n’écris pas ce blog pour réfréner vos ardeurs voyageuses, ni réfléchir à une meilleure régulation des transports, maritimes ou aériens. Quoique, à ce propos, connaissez-vous ce terrible chiffre ? Chaque place d’un vol transatlantique coûterait au pôle arctique la destruction d’un mètre ou deux de banquise, une équivalence bonne à retenir à l’heure de réserver vos billets ! 

Toute publication, ou plus exactement illustration, de nos « externalités négatives » comme disent les experts, est excellente à diffuser : il est bon de réaliser combien je coûte à la terre en choisissant l’avion plutôt que le train, ou ma voiture contre ma bicyclette… Et il est excellent en général de figurer, par la photo, le dessin ou la caricature (merci Cabu, Plantu, le Canard ou Charlie…), car la saisie de ces inégalités ne va pas forcément de soi, et il arrive qu’on s’habitue. Bienvenue donc aux images frappantes, aux représentations qui font mouche, ou dénoncent le scandale. 

La photo de ce navire ainsi engagé ne parle pas que de l’usage qu’on fait de Venise aujourd’hui, mais de tous les écosystèmes menacés par l’intrusion d’un plus gros, d’un plus fort que lui. Je songe, face à ce bateau, à l’effroi qui dut saisir les Polynésiens devant les hauts châteaux flottants des Européens débarquant dans leurs lagons, contre lesquels ni leurs flèches ni leurs pirogues ne pouvaient rien, et qu’ils n’avaient plus qu’à adorer comme des dieux puisqu’ils ne pouvaient les repousser ni les détruire. Victor Segalen, dans Les Immémoriaux, a fixé inoubliablement cette disproportion, à la fois effrayante et comique, dont périt rapidement le monde maori. Intrusion, invasion, démesure qualifieraient aussi bien le salaire de nos PD-G, ou le montant de leurs parachutes dorés, comment ne pas nous sentir, par leurs mondes ou par leurs manières,  dépouillés ou colonisés ? Comme Atahualpa et les Aztèques par Colomb ou Cortès, tu parles d’une « externalité négative » ! Il est urgent de figurer le déséquilibre, l’erreur d’échelle ou de proportion, car les désastres à venir s’annoncent à bas bruit, et la destruction d’un éco-système se révèle quand il est trop tard.

L’image qui a provoqué ce billet m’a paru particulièrement révélatrice, ou éloquente, comme celle d’un éléphant posé dans une baignoire. Pour dénoncer l’hubris individuelle ou collective, ordinaire ou exorbitante, en connaissez-vous d’autres ? 

13 réponses à “Combattre la démesure ?”

  1. Avatar de Axelle
    Axelle

    Bonsoir Daniel. Je pense spontanément à l’agriculture intensive (les fermes XXL, véritablement concentrationnaires). Comment peut-on rester digne humainement en produisant de la sorte notre « pain » quotidien, en enchaînant les truies les unes aux autres, en broyant des poussins vivants ? Sans partager les vues de la deep-ecology et de l’antispécisme, il faut réagir. Comment en est-on arrivé là ? et oui, « How far can we go » ? (merci pour la citation de Lodge, j’ai beaucoup ri avec cet auteur… ) Une photo récente en écho à votre photo sidérante de l’immeuble de croisière : la voie saturée pour accéder à l’Everest et les montagnes de déchets plastiques laissés là par des alpinistes amateurs qui ont payé rubis sur l’ongle pour arriver au Graal.

  2. Avatar de Jean-Louis VIRAT
    Jean-Louis VIRAT

    Bonjour Daniel,
    « Comment lutter contre l’hubris en général, l’hubris dans tous les domaines ? En donnant soi-même dans ses comportements, ses choix de consommation, de loisir ou de développement un exemple de mesure, d’accord minimal ou de convivialité avec le monde des autres » Question nécessaire et insuffisante que je veille à m’appliquer à moi-même. Mais, j(x)’ai envie de prolonger :
    Comment mettre en évidence le « ridicule grand gamin » de ces supermen qui ont besoin « d’étaler » alors même que, par ailleurs, ils pensent qu’ils ont réussi ?
    Comment dès lors ne pas transposer la question au(x) niveau(x) du dessous ?
    Comment faire émerger cette prise de conscience que nos choix de « consommateurs » sont guidés par ce besoin d’impressionner les autres et soi même dans cette quête sans fin du toujours plus ?
    Comment prendre conscience que cette « relativité » se trouve dopée par une deuxième relativité : celle que nous impose une offre « irrésistible » ?
    Comment faire pour devenir « plouc » et assumer cette plouquitude » avec bonheur ?
    Vous aurez noté que je n’ai fait malheureusement que poser des questions. Face à une « grande dégradation » qui pourrait aller jusqu’à l’effondrement, je pense que s’offriront à nous des pistes plutôt en local. Mais nous n’y sommes pas encore même si nous serions bien avisés de nous y préparer !

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Jean-Louis, Je comprends mal votre allusion à la « plouquitude » ; nous nous posons tous, évidemment, la question du passage aux actes de la réforme si nécessaire, et les relais ne sont pas évidents, mais enfin : le premier degré de la prise de conscience, c’est la formulation d’une mise en garde efficace. Quels sont les images, les récits, les témoignages à mettre en avant pour faire que nos partenaires « réalisent » ? J’avais consacré un précédent billet de ce blog à cette importante opération, réaliser. Il m’a semblé, au vu de cette photo, qu’elle était excellent dans ce but ; et qu’elle ne parlait pas que de Venise. Ce billet demandait donc avec quels mots, quelles images nous pourrions sortir de l’entre-soi ou de la quiétude familière. C’est tout !

  3. Avatar de W.Jaroga
    W.Jaroga

    Mon commentaire

    Sur quelque sente mystérieuse, le hasard, si vous me permettez ce mot, m’a conduit vers ce blogue où un aimable randonneur m’invite à sa lecture.
    Quel bon heur ou quelle chance de parcourir ces derniers billets lus avec délectation et de les déposer sur cette table d’une imaginaire auberge où il ne messied pas de stationner et pourquoi pas de rêver?Combattre la démesure ? Un dernier amour – A la recherche des mots exquis – Faire avec les…. ? Que dire ? Qu’en dire ?
    Est-ce bien raisonnable de commencer par une citation qui nous fait voyager dans le temps avec le Roi Eco (mars 2016) sur ce chemin de randonnée, dans la bouche une rose ?
    Essayons quand même !

    «  Mais alors vous êtes encore loin de la solution…
    _ J’en suis très près, dit Guillaume, mais je ne sais pas de laquelle.
    _ Donc, vous n’avez qu’une seule réponse à vos questions ?
    _ Adso, si tel était le cas, j’enseignerai la théologie à Paris.
    _ A Paris, ils l’ont toujours la vraie réponse ?
    _ Jamais, dit Guillaume, mais ils sont très sûrs de leurs erreurs. » (Le Nom de la rose)

    J’ai quelque remembrance d’une soirée d’hiver du début des années nonante. Un voisin et son fils étaient venus, à la maison, pour discuter de la location d’une parcelle d’une demi-acre. Sur la table, j’avais mis «Le pendule de Foucault »…Histoire, peut-être, de regarder la colline du roman et de tenter l’Aventure, puisque tel est le dernier mot d’un essai du même auteur « Sémiotique et philosophie du langage ».

    Randonnée inachevée comme on dit d’une quête, en philosophie des sciences ou carnavalesque chez les initiateurs de la « scienza nuova » qui travaillent sur les fondements de l’épistémologie des sciences sociales. Théories nécessaires…et grises.
    Je me souviens d’une autre randonnée inachevée, celle de Micheline Sommant, lue par Bernard Pivot, au Lycée Montaigne de Paris, en mil neuf cent quatre-vingt-six. Voici la fin de cette dictée :

    « Enfin, crânement, ils avaient remonté les réveille-matin, comptant bien, le lendemain, soulever des montagnes !

    Quid, aujourd’hui, du réveil naturel, du réveil dans la nature ?
    Où trouver le sans-faute à l’école buissonnante de la vie où il nous faut prendre en considération les observations pertinentes d’Axelle ?
    Le randonneur a un rôle éclaireur dans la société et quand il rencontre l’auteur d’une « Méthode », ils retrouvent à nouveau le nœud gordien des problèmes humains et s’interrogent sur la façon d’amorcer la révolution d’une nouvelle « Education », puisque tel est le vif du sujet.
    Au jardin imparfait de l’homme, on savoure les exquis mots que le randonneur et sa compagne ont l’extrême gentillesse de porter délicatement à notre bouche. En tel havre de paix, on s’enivre avec l’oiseau à qui Monsieur Apostolidès a dédié ses Métamorphoses de Tintin, de la petite bête à bon dieu, du charme physicien, de la demoiselle sur l’étang, de la singulière pierrerie que l’on ne rencontre pourtant qu’au pluriel mais la ride est ici perle précieuse et enfin… la rivière.
    Cette rivière qui tout naturellement nous invite à relire ce passage de « L’eau et les rêves », page 252 :

    « Il y a des mots qui sont en pleine fleur, en pleine vie, des mots que le passé n’avait pas achevés, que les anciens n’ont pas connus aussi beaux, des mots qui sont les bijoux mystérieux d’une langue. Tel est le mot rivière.Qu’on songe phonétiquement à la brutalité sonore du mot river en anglais.
    On comprendra que le mot rivière est le plus français de tous les mots. C’est un mot qui est fait avec l’image visuelle de la rive immobile et qui cependant n’en finit pas de couler. »

    Je me souviens de ce ruisseau du Quercy, un jour de juin deux mille dix, revenant d’une abbaye où je suis allé à la rencontre d’un ami bénédictin. Un infime ruisseau où le physicien natif du village s’était entretenu avec Ondine pour écrire ces feux du savoir.
    A quand son retour ?
    De la sirène au justaucorps en surah à l’élégante demoiselle aux élytres bleutés, il n’y a qu’un fil, un fil tout en nuance, un promontoire pour poser le joli mot de libellule.Un mot choisi par la compagne du randonneur qui me fait penser à ce que m’écrivait, un jour, un journaliste de « La Croix » magnifiant avec une grande sensibilité les demoiselles d’une autre robe des herbages d’Intermezzo.
    Merci Odile pour ces mots choisis qui résonnent jusqu’au fond des campagnes.
    A l’auberge du randonneur, je vous dédie une belle chanson qui honore votre petit nom.
    Une ode à « il » (Ode/il) :

    Gerard Lenorman – Il – YouTube

    Au delà de ce « il » kafkaïen où trouver la juste pointure, la pantoufle de vair où nature et culture s’épousent exquisément ? Les mots, c’est bien joli mais il y a les maux engendrés par une démesure ignorante et terriblement cruelle. Permettez-moi, cher compagnon de route, d’écrire P.-D.G ou P.D.G et de citer le physicien dont je fais allusion plus haut :

    « Il est des Gros-Cigares dans l’industrie et le commerce. Il en est hélas d’autres que le contribuable entretient… »

    Que dit le peuple ? Que veulent Marianne et Gavroche? Qui fait entendre sa voix pour réclamer la décence, en d’autres termes sa cognée perdue ? Le travailleur manuel retraité qui n’a qu’une toute petite pension, doit-il envier le professeur d’université qui peut faire le grand voyageur ? Ou au delà du mur de l’argent essayer ensemble de concrétiser un sens avec la monnaie du ciel et tout le reste nous sera donné par surcroît ?
    Hier soir, trois couples de braves gens sont venus chez moi prendre l’apéritif. Trois couples revenant d’un bal de campagne…On est allé voir les bêtes au pré avant de s’asseoir sur les bancs d’une dépendance de ferme où Régis Debray accompagné de Christine Piot Gurdin, un jour de vigile d’Assomption, s’est plu à griffonner quelque chose sur la nappe de la table… Un talisman conservé dans un bonheur-du-jour.
    J’écoutais mes hôtes en cet endroit où les hommes d’ouvrage venaient, autrefois, manger la soupe, le jour des battages…En ce même lieu où l’ami Régis a découvert les « Mémoires » de son oncle, lors de son échappée estivale. J’ai pensé à la « Poétique » d’Aristote disant que « non seulement les sages, mais tous les hommes en général ont du plaisir à apprendre, bien que ceux-ci n’y participent pas autant » (Chapitre IV, 1448)
    Donc faire avec, faire avec les gens…Que peuvent-ils nous apprendre ? Que peut-on leur dire ?
    Faire avec les…. ? Interroge notre randonneur qui écrit le mot en quatre lettres. Je n’écris pas ce terme que je n’utilise oncques dans ma vie de tous les jours. Question d’habitude, sans doute !
    En revanche, j’ai bien apprécié le mot dans un article d’une revue du premier semestre deux mille seize où l’auteur, grand connaisseur d’Aragon, écrit magistralement sur « le con d’Irène »
    On retient de la lecture de cet article, qu’il y a une « chose mentale » dans l’érotisme et c’est quelque chose !
    Eros n’est-il pas l’anagramme du verbe Oser et celle du nom de rose ? Et si ce dieu n’avait pas dit son dernier mot ? Justement en parlant d’anagramme, je suis tenté sans digression aucune, d’aller de ce pas, à la rencontre de « L’origine du monde, Gustave Courbet » où le pianiste et le physicien constituent avec les mêmes lettres de cette phrase « ce vagin où goutte l’ombre d’un désir »
    Quèsaco ? A l’heure où la langue tire la science, le mot final d’Eros n’est peut-être pas le nom du personnage du premier dialogue du Court Traité du philosophe d’Amsterdam, qui demande à la raison et à l’entendement de lui faire connaître l’objet de sa profonde aspiration.
    Pas question de pérorer à l’envi sur ces choses-là avec mes amis, hier, dans l’harmonie vespérale d’un jour d’été…Que dire à ces gens-là qui n’ont d’yeux que pour les images de la télé et pour celles d’une vague nostalgie sans même entrevoir une once de libération possible ? La Caverne est aussi dans la tête des gens d’ici…Des gens incapables de dire non à la bêtise humaine tellement le tintamarre médiatique envahit leur esprit. Qui pourrait réveiller en eux la belle qui sommeille ?
    Chez ces gens honnêtes qui font confiance à la parole publique, il est de bon aloi de se considérer comme des gens qui ne savent pas grand-chose, quand ils se comparent à ces intellectuels aux mains blanches qui parlent si bien dans le poste (sic)
    -A quoi bon chercher puisqu’il y a des gens payés pour le faire et qui ne trouvent rien ?clament-ils avec une belle assurance.
    Alors, comment changer la donne ? Avec quels armes ou quels outils ?
    Réinventer notre rapport à la terre, n’est pas chose simple et le bon sens paysan séduit par tant de « Circé » n’est plus en force, ni en mesure de renverser le tableau et soulever des montagnes.
    Et pourtant…
    Notre estimé randonneur parle du sot avec perspicacité. Il me fait penser à Michel Serres au chapitre de la « Théorie du quasi-objet » qui dit bellement ces bons mots :
    « Un sot riche est un riche, un sot pauvre est un sot.Un je riche est un riche, un je pauvre est un je. »
    Un savant traité, fût-il celui de l’efficacité visant l’efficience, de l’écrivain et conférencier, Monsieur Jullien, peut-il donner corps à ce spectre ? Telle est la question issant de nos opacités, qui cherche une luciole sur le chemin agreste et profond de la connaissance de la connaissance.
    Et s’il existait un randonneur bon samaritain, palsambleu ?

    W.Jaroga

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Cher Monsieur Jaroga, J’ai reconnu, au fil de la lecture de votre beau et généreux « commentaire », l’érudition, la malice et l’inspiration rurale de « Filinger », par ailleurs vieille connaissance et commensal de la médiologie… Je partagerai avec Odile (présentement aux champs) vos amicales suggestions, et la photo des limousines posées non sur l’étang, comme font les demoiselles, mais sur ses rives. Je ne connaissais pas l’éloge par Bachelard de la rivière, assez naturel puisque la pente de l’anagramme conduit à la rêverie, notamment à celles de la terre au sujet du repos… Nous n’en finirions pas avec ces résonances, dont vous êtes vous aussi grand amateur. Je vous envoie mes pensées très cordiales…

  4. Avatar de Jacques
    Jacques

    Eh bien, le commentateur, M. Jean-Louis Virat sera content!
    Nous voici en pleine plouquitude avec ce commentaire-fleuve de M. Jaroga, une connaissance de Daniel.
    J’ai lu ce commentaire, hier soir, après avoir regardé sur France 2, un documentaire sur l’industrialisation du bio et de l’urgence de faire « local »
    En même temps, je recevais un message d’une amie qui présente aussi, parfois, à la télévision des documentaires « sociétaux ».
    Je vous propose de lire quelques extraits de son courriel :

    « Je viens de lire ton (beau) texte. « L’arbre à songes des connaissances ». Cela m’a fait sourire et rappelé des souvenirs. J’avais, il y a longtemps, écrit un texte sur Adam et Eve chassés du jardin après qu’Eve ait mangé le « fruit ». Ils erraient dans le jardin durant des jours condamnés à ne jamais trouver la sortie. Dieu s’était ri d’eux.
    Je t’admire de penser qu’il puisse encore exister une issue, pour ma part je suis de plus en plus encline à croire qu’il vaut mieux rester chez soi à couper son bois…
    A quoi bon se mêler de la marche du monde?
    Peut être notre chute collective était elle écrite, je ne vois guère comment l’arrêter. »
    (Fin de citation)

    Cher Daniel, puisque votre rurale connaissance de la médiologie, nous parle d’Intermezzo, souffrez que l’on puisse se référer à la fin de la pièce de J.Giraudoux pour corroborer la vision pessimiste de ma correspondante parisienne :

    « – L’argent y va de nouveau aux riches, le bonheur aux heureux, la femme au séducteur.
    – Et guérie l’âme d’Isabelle!
    – Et couronné comme il se doit le lyrisme des fonctionnaires. » (Fin de citation)

    Daniel, en spécialiste de la médiumnité, peut-être pourriez-vous faire parler la table de cette auberge imaginaire pour savoir si oui ou non le spectre d’Intermezzo revenant peut embellir le temps qui court et donner un peu d’espoir à l’amie qui broie du noir?
    S’il vous plaît, à votre crayon…de la nature!
    Avec l’expression de ma respectueuse amitié.

    Jacques

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      M. Jaroga a la plume fleuve, facile ou copieuse, mais je n’y vois pas de « plouquitude » – il parle juste depuis un milieu paysan où il vit immergé ; et il a lié amitié en effet avec les médiologues, par je ne sais plus quelle rencontre ou hasard. Je crois me souvenir qu’il organise des concours de dictée, voilà donc une voix à défendre, et à respecter !

  5. Avatar de W.Jaroga
    W.Jaroga

    La voix de Monsieur Virat compte aussi. Cette « plouquitude » n’est pas une injure et loin s’en faut. Peut-être s’inscrit-elle dans les « géorgiques de l’âme »…
    Immergé, comme vous dites, Monsieur Bougnoux, dans le milieu paysan, je crois pouvoir dire que ce bon sens couramment attaché à l’adjectif est pour tout dire relatif.
    Anagramme amusante : « La vérité » n’est-elle pas « relative »?
    Sur les routes de la voix, il y a matière à contredire et on aimerait qu’une plume dite facile et copieuse se fasse plutôt chantante…On pourrait alors, braves gens, ouïr la ballade. Sans l’accompagnement de professeurs aux champs – il en existe en médiologie – comment telle composition pourrait-elle sourdre?
    On sait que ce verbe ne se conjugue pas au futur.
    Ah le temps, le temps qui va…

    W.Jaroga

  6. Avatar de Roxane
    Roxane

    Interloquée, c’est le moins que je puisse dire, en découvrant avec bonheur, cet espace de discussions dont on m’a parlé récemment…
    Ce billet, ces commentaires m’intriguent…J’aimerais en savoir plus.
    La photographie très suggestive et parlante de Venise me paraît fort à propos.
    Que c’est triste en effet de voir telle démesure en ce monde devenu stone où tant d’amours mortes laissent s’étendre les gens sur l’asphalte de la société industrielle!
    M.Régis Debray mentionné dans les commentaires, nous objurgue de ne point consommer du Venise…Il est contre!
    Et M. Michel Onfray, son collègue écrivain, pose la question : « Qui mieux que Régis Debray le médiologue devrait être à l’abri de la confusion entre l’image et le réel, l’icône, le symbole et la réalité sensible? » Et d’ajouter : « Ou alors, il faut chercher là un symptôme qui montre en quoi, pour le dire comme Nietzsche, l’auteur est resté pieux. »
    Peu nous chaut ces considérations esthétiques, l’image est là, forte, l’image de la démesure.
    Je vous comprends, Axelle, Messieurs Virat, Jacques et Jaroga quand vous exprimez, chacun à votre manière, cette impérieuse nécessité de repenser notre rapport à la terre.
    Je vous comprends aussi, M. Bougnoux, quand vous nous exhortez à sortir de notre quiétude familière pour faire preuve de résistance et comme on dit « faire quelque chose ».
    La superficie d’un département français qui s’en va chaque année pour le bétonnage, un agriculteur qui se suicide tous les deux jours…Décidément, rien ne va plus! Mais que faire? Ils sont pourtant tous là, sur les plateaux de télévision, les responsables de chaque bord, politique ou syndical…Et ça cause dans le poste!
    On aimerait entendre un autre refrain, des mots d’appel à la résistance, des mots, comme des armes de combat, capables de nous faire réaliser quelque chose pouvant contribuer à une renaissance, à créer un nouvel ordre social.
    De mon prieuré lorrain, je ne vois rien venir, certes, de l’intérieur des terres et pourtant, sans pouvoir l’expliquer, je me sens animée par une folle espérance…
    Est-ce bien raisonnable, docteur?

    « Il m’instruisit et s’entretint avec moi. Il me dit : Daniel, je suis venu maintenant pour ouvrir ton intelligence. » (Daniel 9:22)

    Roxane

    1. Avatar de Daniel Bougnoux

      Oui Roxane, merci pour votre contribution. Et si vous remontez en arrière sur ce blog, vous trouverez un billet intitulé « Réaliser », qui pose déjà cette question : quelles images, quels témoignages sont à publier pour nous faire prendre conscience, pour casser le ronron ou la clôture informationnelle ? Car il y a des degrés du savoir, je peux savoir sans croire, sans adhérer, je peux toujours dire : Je sais bien, mais quand même (selon une formule fameuse en psychanalyse)… Je peux débrayer, ou au contraire embrayer, m’insurger ou me relever les manches. Quant à Debray et son « Contre Venise », j’aurais ici trop à dire…

  7. Avatar de W.Jaroga
    W.Jaroga

    Bonjour!

    En ce petit matin de septembre (Bon anniversaire, Régis, si tu es là!), j’ai plaisir à essayer de donner une suite qui me semble naturelle aux commentaires précédents.
    Non point vous parler de moi – ce moi n’intéresse personne et moins on en parle et mieux je me porte, palsambleu! – mais d’une séquence d’un itinéraire, un petit témoignage tout simplement. Un voyage en hiver au pays de la « ploutocratie », si vous me permettez ce mot.
    C’était le 27 févier dernier et j’étais à Paris au salon de l’agriculture. Devant le hall d’une région, j’interpelle un ancien ministre de l’agriculture, les mains dans les poches discutant avec quelques gens cravatés…Je lui parle des faibles montants des retraites agricoles et lui pose la question de savoir s’il pourrait vivre avec 850 euros par mois? Sa réponse est claire et nette : Non.
    Cet élu responsable d’un groupe politique au Sénat me promet une revalorisation des retraites agricoles avant la fin du septennat (sic)
    Le soir même, revenu chez moi, ouvrant l’ordinateur, je trouve un courriel de mon député qui me dit qu’il ne peut répondre positivement à ma requête visant l’augmentation des petites retraites agricoles.
    Alors que faire? Ecrire à l’actuel ministre concerné, certes! Mais l’épître en date du 12 mars dernier a bien été reçue par l’intéressé et, pour l’heure, aucune réponse n’a été apportée.
    Faut-il pour autant descendre à la cave et noyer son désespoir en s’enivrant d’un vin de pays, en buvant à la santé de Monsieur François Patriat qui a choisi un texte de Jacques Busse dans une Anthologie parlementaire « Poésie(s) » où l’auteur précise que l’ivrognerie est une hygiène mentale?
    Ou bien remonter la pente et sur la terrasse d’un bistrot imaginaire commander un verre de sirop typhon?
    Un spécialiste du stato machiavélien a peut-être la réponse…
    Ce qui nous changerait, peut-être, d’une « Politique folle » où l’on voit un ministre s’en prendre avec des mots forts à une responsable syndical agricole.
    En milieu paysan aussi, le goût des honneurs, l’argent, le pouvoir, sans oublier les possibilités de caresser les fesses des secrétaires donnent à certains des ailes pour voler plutôt bas. Alors ça change, certes, mais pour ne rien changer!
    N’est-ce pas, Monsieur Visconti?
    Pauvre guépard! Pauvre paysan! Pauvre France!
    Salutations agrestes

    W. Jaroga

  8. Avatar de Roxane
    Roxane

    Mon commentaire

    Oui, Monsieur Bougnoux, j’ai regardé en arrière et j’ai lu votre beau et sain billet qui parle d’information, d’attention flottante, de désir et de beauté du monde.
    Oui, j’ai descendu dans votre jardin pour y cueillir en image le gentil coquelicot et finalement, je retiens la question finale du dernier commentaire : « De quoi fouetter un chat? »
    Sans digression aucune, le félin me fait penser au chapitre final du « Credo » de Claude Imbert s’adressant à ses sérénissimes confrères « Les chats de Venise ».
    On est bien d’accord avec votre connaissance médioloqique rurale, Monsieur Bougnoux, mais comment faire pour retrouver le paysan avec les fleurs des champs et revivre sur le terrain un nouveau rapport à la terre? Réaliser, oui-da mais avec quels moyens et comment dans ce monde d’infobésité, comme vous dites si bien, avec tous les bureaucrates et les marchands qui gravitent autour du travailleur de la terre, complètement dénaturé et à la merci de toutes les déviations? Une résistance en tel milieu a-t-elle encore un sens?“L’instinct d’imitation et l’absence de courage gouvernent les sociétés comme les foules. écrivait M. Proust dans « Sodome et Gomorrhe ».
    Le bon sens paysan dans la fosse aux lions, cher Monsieur Bougnoux, n’a plus aucune chance de s’en sortir. Il y faudrait un miracle et vous le savez bien!
    L’esprit scientifique, fût-il nouveau au sens bachelardien du terme, peut-il réaliser ce miracle?Telle est désormais la question. Une réponse peut-elle advenir sans aller quelque part fouetter le chat du physicien viennois?
    Un jour de deux mille quatre, l’auteur de la chanson mythique et du livre « Il est libre Max » m’écrivait que son chat s’appelait « Schrödinger ». Est-ce par hasard?
    Une équation + une émotion, cela donne une chanson (dixit Guy Béart)
    Battre la mesure pour combattre la démesure.
    A vous maestro pour un finale en toute beauté qui pourrait dans ce champ de cendres, faire se lever des vivants!
    La « Jeanne » d’un auteur compositeur dans une église, moyennant quarante-deux euros, c’est très bien mais ce n’est pas pour tout le monde et le rideau tombé sur le Choeur, le chanteur va à son cachet et le peuple s’endort…en rêvant peut-être de l’impossible moisson, la nouvelle moisson des blés d’or…

    Roxane (la lorraine non changée en statue de sel)

  9. Avatar de Antoine
    Antoine

    Bonjour, bel article. A’ propos du problème, avant tout psychologique, de la démesure ou de l’hybris, je cite l’oeuvre de mon collègue Luigi Zoja « History of arrogance » ainsi que mon « Au nom d’Economie. Croyances, cultes, liturgies e tabous de la religion unique » (Edilivre 2019).

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À propos de ce blog

  • Ce blog pour y consigner mes impressions de lecteur, de spectateur et de « citoyen concerné ». Souvent ému par des œuvres ou des auteurs qui passent inaperçus, ou que j’aurai plaisir à défendre ; assez souvent aussi indigné par le bruit médiatique entretenu autour d’œuvres médiocres, ou de baudruches que je…

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À propos de l’auteur

  • Daniel Bougnoux, professeur émérite à l’Université Stendhal de Grenoble, est ancien élève de l’ENS et agrégé de philosophie. Il a enseigné la littérature, puis les sciences de la communication, disciplines dans lesquelles il a publié une douzaine d’ouvrages.

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